Projeter « The Dead Don’t Die », dernier film de Jim Jarmusch, en ouverture de Cannes, demeure une belle ironie qu’elle soit délibérée ou accidentelle. Car si la semaine Cannoise livre son habituel programmation de films visant à glorifier d’avantage l’attractivité de son refuge auteuriste, elle n’en reste pas moins l’antre d’un marché cinématographique se déroulant en coulisse et dans lequel, chaque projet se retrouve présenté comme un concept qui peut se résumer à une ligne, se présenter sur plusieurs pages de scripts ou se visionner sur une pellicule non finalisée.


Dans cette situation, le concept, n’est donc plus valorisé comme une œuvre, il se rabaisse au statut de produit. De part ce constat fâcheux, on s’aperçoit que la démarche artistique de Jim Jarmusch s’est déployé dès la promotion du film. En reprenant une thématique usée jusqu’à la corde depuis plus de 10 ans et en rendant un hommage direct au géniteur de ces créatures, George Romero, le réalisateur revient aux sources d’un genre vampirisé et broyé par la machine pécuniaire qu’il a toujours dénoncé.


En premier lieu, le casting alléchant ne peut être réduit à sa gageure hétéroclite tant les acteurs qui la compose représentent une facette des sphères médiatiques auxquels ils sont associés. Qu’ils soient chanteurs internationaux, acteurs polyvalent rattachés à des franchises, ou vétérans d’une culture qu’ils ont généreusement alimentée, ils endossent les représentations d’un commerce, terme qui va sillonner la pellicule autant dans sa surface que sa profondeur.
En plus de présenter l’être humain comme acheteur primitif, il le symbolise en esclave de son véhicule, de son outil ou de son comestible. Cette intention ostensible se découvre dès lors que le casting et les zombies disparaissent de l’écran, le cadre devenant dans ces instants le théâtre des boutiques, des articles et d’un racolage publicitaire caricaturé à l’extrême.


Le réalisateur transforme alors son film en objet méta que l’attrait publicitaire oscillant entre le clip vignette et les dialogues réflexifs transforme en consommable. L’intrigue, réduite alors à une notice illustrative, se retrouve commentée en direct par trois spectateurs grimés en policiers, seule entité morale du métrage. Chacune adopte alors une posture différente ; celle consciente de sa condition, celle totalement aveugle et soumise et la troisième qui progresse de l’une à l’autre en évacuant progressivement toute possibilité de déni.


Cependant, Malgré toutes ses passionnantes intentions, Jim Jarmusch finit par perdre le spectateur pour qui il fissure de temps à autres le quatrième mur. Il tente de l’impliquer vainement dans cette balade de la consternation, assez mal équilibré dans ses sous textes et son rythme. Cette parabole finit par perdre de sa rogne et s’alourdit de trop nombreuses annotations. On pourrait présumer que l’auteur doutait de la pertinence de son exercice consistant à imbriquer la force évocatrice d’un discours réflexif et humble dans une vulgaire série B décomplexée dont les codes se sont retrouvés englués dans les toiles de la pop culture.

KrisMery
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le 12 juin 2019

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Kris Mery

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