Le Festival de Cannes 2019 vient officiellement d’ouvrir ses portes. Et pour commencer, il nous offre sur un plateau le nouveau film de Jim Jarmusch, The Dead Don’t Die. Un film de zombies où le cinéaste s’amuse autant du cinéma de genre que de son propre cinéma sans révolutionner les carcans de son univers. Mineur mais tout bonnement agréable.


The Dead Don’t Die se déguste comme un bon verre de vin qui laisserait un arrière-goût en bouche. Jim Jarmusch, avec son style jazzy et sa ritournelle sur le consumérisme de notre société, s’éprend cette fois-ci du film de zombies pour donner de l’eau à son moulin et son discours sur une société américaine factice et absurde. Le film se trouve dès lors en terrain connu : les fans du réalisateur reconnaîtront au premier coup d’oeil la petite chansonnette habituelle de l’Américain. On se plonge avec bienveillance et sans déplaisir dans l’univers musical de Jarmusch, dans sa composition du cadre toujours aussi fluide, la légèreté de sa mise en scène, tout en retrouvant un duo composé de Bill Murray (Broken Flowers) et Adam Driver (Paterson) qui jouent leur partition avec simplicité et un comique de répétition assez délectable (« les bêtes sauvages »).


Ceci est un exemple comme bien d’autres car cette fois-ci, Jim Jarmusch décide de déclarer sa flamme à tout son petit monde, un monde qu’il affectionne particulièrement, dans un film particulièrement méta, auto-référencé et qui ne cesse de se lancer des private jokes à lui-même : à l’image de cette hilarante tirade sur la fameuse lecture du script. Autre exemple : RZA, Iggy Pop, Tom Waits sont aussi de la partie et ne sont qu’une partie de l’amour que le réalisateur porte à la musique et à son hommage pour Sturgill Simpson. Se servant d’un petit pitch de série B qui verrait la Terre changer d’axe occasionnant de ce fait une arrivée en masse de zombies, Jim Jarmusch se lance dans la comédie zombiesque. Un style qui lui sied plutôt bien d’ailleurs : avec ses clins d’œil un peu forcés à Romero, The Dead Don’t Die est un exercice de style assez malin, jouissif grâce à des dialogues souvent bien ciselés mais qui parfois patine à cause de cette tendance qu’a le cinéaste à rester cloisonné dans ce qu’il sait faire et à ne jamais embrasser la tension adéquate à ce cinéma de genre. Malheureusement, ou heureusement diront certains, Jim Jarmusch préfère rester dans ses chaussons assis confortablement dans son canapé. Malgré une drôlerie qui provient autant de l’écriture que du savoir faire du cinéma de genre (« tuer les têtes » et la séquence avec Selena Gomez), The Dead Don’t Die n’arrive jamais à s’asseoir à la table d’œuvres magnétiques que sont Ghost Dog (l’iconique personnage de Tilda Swinton en est une lecture ironique) ou même Mystery Train. Non pas que l’oeuvre rebute ni déçoive, au contraire mais elle parait bien trop sage et un brin poussiéreuse dans sa volonté d’aborder la modernité de nos vies, sa médiocrité intellectuelle et son regard acide sur l’inculture et la bêtise de notre société actuelle.


Alors que nous l’avions quitté en plein questionnement sur la création artistique et sa provenance (Only Lovers Leflt Alive et Paterson), Jim Jarmusch descend de son piédestal pour nous divertir avec une comédie utilisant son versant horrifique et parodique pour en faire ressortir la vision moribonde et monocorde que le cinéaste accorde à l’humain tout en nous montrant que les humains sont des zombies qui s’ignorent. Une belle petite entrée dans un festival qu’on attendra plus féroce.


Article cannois original sur LeMagducine

Velvetman
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Velvetman et Cannes 2019

Créée

le 16 mai 2019

Critique lue 6.2K fois

57 j'aime

1 commentaire

Velvetman

Écrit par

Critique lue 6.2K fois

57
1

D'autres avis sur The Dead Don't Die

The Dead Don't Die
mymp
3

The boring dead

Après les vampires, les morts-vivants donc. Jim Jarmusch continue à revisiter genres et mythes populaires avec sa nonchalance habituelle, mais la magie ne prend plus, soudain elle manque, soudain il...

Par

le 15 mai 2019

83 j'aime

The Dead Don't Die
EricDebarnot
3

It's a fucked up film !

Il est difficile de rester impavide, quand on est un fan de Jim Jarmusch depuis ses premiers films, devant la véritable catastrophe industrielle que représente ce "The Dead Don't Die", qui constitue...

le 27 mai 2019

58 j'aime

15

The Dead Don't Die
Velvetman
6

ZombieLand

Le Festival de Cannes 2019 vient officiellement d’ouvrir ses portes. Et pour commencer, il nous offre sur un plateau le nouveau film de Jim Jarmusch, The Dead Don’t Die. Un film de zombies où le...

le 16 mai 2019

57 j'aime

1

Du même critique

The Neon Demon
Velvetman
8

Cannibal beauty

Un film. Deux notions. La beauté et la mort. Avec Nicolas Winding Refn et The Neon Demon, la consonance cinématographique est révélatrice d’une emphase parfaite entre un auteur et son art. Qui de...

le 23 mai 2016

276 j'aime

13

Premier Contact
Velvetman
8

Le lexique du temps

Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...

le 10 déc. 2016

260 j'aime

19

Star Wars - Le Réveil de la Force
Velvetman
5

La nostalgie des étoiles

Le marasme est là, le nouveau Star Wars vient de prendre place dans nos salles obscures, tel un Destroyer qui viendrait affaiblir l’éclat d’une planète. Les sabres, les X Wing, les pouvoirs, la...

le 20 déc. 2015

208 j'aime

21