Après avoir vu Dead Man, avec Johnny Depp, quand les cassettes VHS tournaient encore dans les magnétoscopes et puis Broken Flowers, avec Bill Murray, au cinéma où l'on aurait pu limite roupiller, The Dead Don't Die est le film de zombis avec lequel Jim Jarmusch tombe dans le chaudron du genre et tendance fantastique qui se déverse abondamment en images dans les yeux des cinéphiles en plusieurs kilomètres de bobines depuis un bon nombre d'années désormais.


Avec Jarmusch, on sait tout de suite que ça ne va pas être vif, comme les deux films que j'ai vus précédemment de lui. The Dead Don't Die est un délire mou, dans lequel nous revoyons Bill Murray à l'air blasé, ici dans le rôle du chef de la police de Centerville, secondé par Adam Driver qui semble impassible aux étranges évènements qui arrivent dès le premier massacre comme s'il s'agissait d'une chose banale. L'actrice Chloë Sevigny complète l'équipe policière dans un personnage se montrant très sensible et quelque peu fragile, offrant un certain humour dans des situations par sa démarcation plus sentimentale.


Les horribles évènements en premier plan sont probablement en lien avec ce que les informations radiophoniques expliquent, faisant deviner que des responsables scientifiques ont joué aux apprentis sorciers sur la planète au travers d'un terme répété : la fragmentation polaire. Nous n'en saurons pas plus sur la technique laissée mystérieuse sur un fond lointain faisant tout de même ressentir que la catastrophe est mondiale. Cependant, des signes n'échappent pas aux deux policiers et à quelques client du restaurant avec la nuit qui ne tombe pas, où comme des champignons curieux que remarque l'ermite que joue un Tom Waits très touffu qui restera à l'écart, dans les bois aux alentours de la petite ville, spectateur, commentateur et déducteur de ce qu'il constatera par la suite.


L'actrice Tilda Swinton, qui a l'habitude de jouer des personnages particuliers, campe l'embaumeuse des pompes funèbres, longue chevelure blonde, robe et katana qu'elle sortira de son fourreau pour donner quelques tranches de rigolade aux spectateurs.

Son départ en soucoupe volante a, la première fois en salle, ajouté du poids visuel à l'atmosphère absurde mélangée à l'horreur que fait ressentir le film. C'était venu comme un cheveu dans la soupe. Le collègue avec qui je regardais le film avait éclaté de rire en interrogeant ce que ça venait faire là, cette soucoupe volante...

... mais un second visionnage permet de remarquer des détails qui ont pu échapper au sujet de cette femme bizarre. Si si, regardons mieux ! Mais sa présence demeure toujours un mystère.


Parmi les autres personnages, plus secondaires, quel plaisir de voir Danny Glover, pépère paniqué poilant armé de son sécateur lors d'une scène d'invasion de sa boutique ; "La tête !" lui crie Caleb Landry Jones en jeune geek habituellement timide de la quincaillerie. Steve Buscemi est de la partie aussi, en vieux réac' raciste. En gardien d'hôtel, Larry Fessenden ressemble Monsieur Pearson de Red Dead Redemption 2. Quant à Eszter Balint, je ne l'ai même pas reconnue, la connaissant plus en tant que chanteuse et musicienne qu'actrice.


Bien sûr, à son visionnage, The Dead Don't Die défonce une porte déjà démontée des gonds quant à la critique qu'il apporte ou qu'il nous fait suggérer. Georges Romero l'a déjà fait plusieurs décennies en arrière. Nous sommes des zombis vivants endormis dans nos modes de vie consommatrices de plus en plus coupées de la nature. Des zombis vivants comme les personnages dépassés par l'afflux des morts-vivants sortis de terre pour dévorer salement les vivants et répéter par instinct leurs activités lorsqu'ils étaient vivants. Vous suivez ? Peu de scènes sanglantes sont montrées hormis où le participant Iggy Pop se délecte de quelques viscères en gros plan. Parmi les vivants éveillés, l'ermite des bois et les trois adolescents pensionnaires du centre psychiatrique font exception par leur lucidité commune, ces personnages considérés en marge et pris pour des fous à enfermer. Il y a une critique aussi envers les attachements plus sentimentaux que matérialistes et le personnage de Mindy (Chloë Sevigny) en révèle une bonne interprétation vis à vis, là, des morts qui ont vécus, à plus bel exemple :

"C'est ma grand-mère ! J'arrive Mamie !"

Le film est rempli de clins d'œil, transcendant même vers la fin, et avec humour, fiction et réalité. Des dialogues dans des situations séquentielles avec les deux policiers principaux ne sont pas sans faire rappeler de grosses absurdités telles que nous pouvons les connaître chez nous par les Nuls ou encore par des films cultes de Bertrand Blier, précisément quand on pense à Buffet Froid. Du gros "C'est quoi ce merdier?" peut tamponner dans les têtes.


Après chaque séance, il semble logique de nous dire que notre salut viendra sans doute par notre retour vers la nature, mais n'espérons pas dans une vision aussi aggravée bien que drôle de cette réalisation fictionnelle.


The Dead Don't Die est, peut-on dire, un film d'horreur lent mi-burlesque et mi-OVNI à la sauce de gravité et d'absurdité. Et si nous n'avons pas compris l'intérêt dénonciateur qu'il transporte d'une manière assez parodique, ne vous en faites pas, l'ermite Tom Waits sera là pour la correction de vos copies.


"Quelle monde de merde !"

MonsieurScalp
7
Écrit par

Créée

le 29 mai 2023

Critique lue 327 fois

3 j'aime

3 commentaires

MonsieurScalp

Écrit par

Critique lue 327 fois

3
3

D'autres avis sur The Dead Don't Die

The Dead Don't Die
mymp
3

The boring dead

Après les vampires, les morts-vivants donc. Jim Jarmusch continue à revisiter genres et mythes populaires avec sa nonchalance habituelle, mais la magie ne prend plus, soudain elle manque, soudain il...

Par

le 15 mai 2019

83 j'aime

The Dead Don't Die
EricDebarnot
3

It's a fucked up film !

Il est difficile de rester impavide, quand on est un fan de Jim Jarmusch depuis ses premiers films, devant la véritable catastrophe industrielle que représente ce "The Dead Don't Die", qui constitue...

le 27 mai 2019

58 j'aime

15

The Dead Don't Die
Velvetman
6

ZombieLand

Le Festival de Cannes 2019 vient officiellement d’ouvrir ses portes. Et pour commencer, il nous offre sur un plateau le nouveau film de Jim Jarmusch, The Dead Don’t Die. Un film de zombies où le...

le 16 mai 2019

57 j'aime

1

Du même critique

Les Dents de la mer
MonsieurScalp
8

"Il nous faudrait un plus gros bateau !"

Un des premiers blockbusters devenu un bon vieux classique d'épouvante et d'horreur. Certes, le gros squale ne berne plus les yeux depuis longtemps par son apparence grotesque, mais le film se tient...

le 8 avr. 2017

20 j'aime

3

Jurassic Park
MonsieurScalp
8

Des grands sauriens et des petits hommes

Ce film, je l'avais boudé à sa sortie. Non mais, sérieusement, les aînés à qui je m'adresse ! Oui ceux de mon âge, là ! Rappelez-vous l'énorme boucan médiatique que la sortie du film de Steven...

le 29 avr. 2020

19 j'aime

8

Spider-Man: Far From Home
MonsieurScalp
4

Spider-Boy en vacances ...

Déjà, ça commence mal, car la bande sonore nous sert du Whitney Houston avec "I Will Always Love You", l'un des slows les plus irritants dès que ça crie aux oreilles, ici en chanson commémorative des...

le 12 juil. 2019

19 j'aime

8