"The Grand Budapest Hotel" est un film de Wes Anderson inspiré en partie de l'univers éclectique de l'écrivain autrichien Stefan Zweig. Le film se caractérise notamment par son ton décalé, son inventivité en matière visuelle et son audace stylistique, dans le prolongement de la filmographie du metteur en scène, à défaut de véritablement renouveler cette dernière.


Tout commence dans la République imaginaire de Zubrowka, en Europe de l'Est. Nous sommes amenés à suivre les aventures du concierge Gustave H et de son « lobby-boy » Zero Moustafa. Tous deux travaillent dans le Grand Budapest Hotel, décor somptueux faisant office de personnage à part entière. L'histoire prend place dans un contexte assimilable à l'entre-deux-guerres. Le film s'attarde aussi sur d'autres périodes et sa construction narrative, basée sur l'emboîtement de plusieurs récits, n'est pas sans rappeler un système de poupées russes.
Les deux protagonistes vont être mêlés à une sombre affaire d'héritage qui va les opposer à la puissante et redoutée famille des Desgoffe und Taxis, prête à tout pour récupérer ce qu'elle estime être son bien, tandis que le fascisme gagne du terrain dans le pays.


"The Grand Budapest Hotel" est une pure réussite du point de vue du cadrage et de la mise en scène, qui témoignent d'une façon très artisanale de faire du cinéma et d'un grand souci du détail, avec des jeux de symétrie et un montage millimétré. Les fréquents changements du format de l'image permettent de jongler aisément d'une époque à l'autre.
Par ailleurs, les décors faits à la main et l'utilisation astucieuse des maquettes, à commencer par la façade rose bonbon du Grand Budapest Hotel, font également de ce film un bijou esthétique. Il n'y a de ce fait rien de surprenant à ce qu'en 2016, de telles pièces aient été exposées au Musée Miniature et Cinéma de Lyon. Ajoutons à cela l'excellent travail réalisé par le compositeur français Alexandre Desplat.
L'interprétation des acteurs n'est pas en reste, avec un Ralph Fiennes tout en majesté dans le rôle de Gustave H, professionnel de la vieille école aux manières distinguées. L'ensemble prend ainsi les allures d'un édifice baroque et surréaliste.


De "La Vie aquatique" à "Moonrise Kingdom", en passant par "Fantastic Mr. Fox", adaptation du fameux livre pour enfants écrit par Roald Dahl, et "L'Île aux chiens", sans doute l'un des plus ambitieux films d'animation en stop motion à avoir vu le jour, le cinéaste américain n'a cessé de repousser dans son jusqu'au boutisme les limites de son style et il est clair que son savoir-faire n'est plus à prouver.


De plus, contrairement à ce qu'on a pu lui reprocher, son œuvre n'a rien d'une coquille vide. À travers "The Grand Budapest Hotel", Wes Anderson explore certes des sujets déjà abordés dans le reste de sa filmographie, tels l'enfance et le besoin d'un père de substitution, mais l'apparente légèreté du long-métrage n'occulte en rien les sombres facettes des sociétés européennes, comme la montée de la xénophobie, illustrée entre autres par la situation de l'apatride Zero Moustafa.
La conclusion du film, teintée de mélancolie, vient toutefois nous rappeler qu'il persiste « de faibles lueurs de civilisation dans cet abattoir barbare autrefois appelé l'humanité ».

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le 17 juin 2017

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