Bienvenue dans l’univers singulier de Wes Anderson

Comment distinguer artiste et artisan ? Eternelle question qui parcourt l’art depuis la nuit des temps et à laquelle le cinéma n’échappe pas. A l’heure où le bénéfice prime sur tout autre caractéristique, il est ainsi rassurant de trouver de véritables cinéastes proposant de brillants scénarios, un sens de la mise en scène mais surtout un univers personnel loin de l’académisme ambiant. Les plus célèbres de ces artistes se nomment Tim Burton, Terrence Malick ou encore Jean Pierre Jeunet, mais récemment, un nouveau venu tend à détrôner ce trio de tête. Il s’agit de Wes Anderson, qui depuis La famille Tenenbaum en 2001, n’a de cesse de surprendre par l’audace, la fantaisie et l’originalité de ses longs métrages.
Son dernier né The grand Budapest Hotel est aussi réussi que les précédents (La vie aquatique, Moonrise Kingdom…) et se place ainsi dans la lignée d’une filmographie sans fausse note. L’intrigue située dans une Europe secouée par la seconde guerre mondiale suit les aventures de Gustave H, accusé à tort du meurtre d’une cliente de l’hôtel qu’il gère. Si l’histoire semble somme toute commune, la mise en scène virtuose du cinéaste en fait un récit d’aventures survolté au tempo parfait. Sa narration est pleine de bizarreries mais, là où d’autres se seraient rapidement perdus dans les méandres du n’importe quoi, Wes Anderson a le génie de cadrer son récit d’une main de maître. Tout est clair, drôle, élégant et secondé par une esthétique sublime aux décors de confiserie, couleurs chatoyantes et costumes inventifs. Le seul petit bémol de cette œuvre proche de la perfection est le manque d’émotions des personnages, l’exercice de style semblant par moments figer les protagonistes, que l’on observe alors de loin. Mais on ne peut que pardonner cette petite imperfection devant la créativité et l’intelligence de Wes Anderson qui teinte son récit d’un discours engagé sur la perte de valeurs essentielles, un humanisme bienvenu en ces temps de stigmatisation et d’amplification de la haine de l’autre.


Zoom sur … le classique mais éloquent Ralph Fiennes


Après des débuts prometteurs sur les planches de Broadway et un furtif passage sur le petit écran, Ralph Fiennes débute sa carrière au cinéma dans les années 1990. Il obtient très vite les premiers rôles de films prometteurs (Sunshine…) et s’évertue dès lors à ne pas se cantonner à une figure type. Avec son joli minois et ses airs de gentil millionnaire, il aurait, en effet, pu se limiter aux films à l’eau de rose (Les hauts de Hurlevents, Le patient anglais, La fin d’une liaison) mais il n’hésite cependant pas à interpréter des anti-héros fantastiques (il joue le célèbre Voldemort de la série Harry Potter) ou plus réalistes (La liste de Schindler), personnages antipathiques auxquels il apporte une tortueuse complexité. Ainsi, malgré un certain académisme (un jeu juste mais ordinaire), il fait preuve d’une profondeur et d’une sensibilité unique dans ses rôles les plus difficiles. A 51 ans, il n’a d’ailleurs pas fini de nous surprendre puisqu’il se lance un défi risqué (mais qu’il relève avec succès) en jouant Gustave H, un homme burlesque et délicat, gérant du Grand Budapest Hotel, aux antipodes de ses précédents rôles.

Mélany_Tllet
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2014 FILMS

Créée

le 26 janv. 2015

Critique lue 305 fois

Critique lue 305 fois

D'autres avis sur The Grand Budapest Hotel

The Grand Budapest Hotel
Sergent_Pepper
8

Le double fond de l’air est frais.

Lorsque Wes Anderson s’est essayé il y a quelques années à l’animation, cela semblait tout à fait légitime : avec un tel sens pictural, de la couleur et du réaménagement du réel, il ne pouvait que...

le 27 févr. 2014

230 j'aime

23

The Grand Budapest Hotel
Veather
9

Read My Mind #2 : The Grand Budapest Hotel

Ami lecteur, amie lectrice, bienvenue dans ce deuxième épisode de RMM (ouais, t'as vu, je le mets en initiales, comme si c'était évident, comme si c'était culte, alors qu'en vrai... Tout le monde...

le 8 sept. 2014

174 j'aime

51

The Grand Budapest Hotel
guyness
9

Anderson hotel

Comme tout réalisateur remarqué, Wes Anderson compte quatre catégories de spectateurs: les adorateurs transis, les ennemis irréductibles, les sympathisants bienveillants et, beaucoup plus nombreux,...

le 28 févr. 2014

157 j'aime

68

Du même critique

La Religieuse
Mélany_Tllet
5

Le scandaleux roman de Diderot revisité

Qui aurait pu croire que La religieuse de Diderot soit encore dans l’air du temps ! L’histoire de cette jeune fille, enfermée de force dans un couvent, semble en effet bien loin des préoccupations...

le 26 janv. 2015

2 j'aime

Enfance clandestine
Mélany_Tllet
8

Une enfance sous haute surveillance

L’avenir du cinéma résiderait-il en Argentine ? En effet, depuis les années 2000, le cinéma argentin s’inscrit dans un renouveau formel et thématique comparable en termes de symbolique à la nouvelle...

le 26 janv. 2015

2 j'aime

Les Combattants
Mélany_Tllet
8

Une histoire de survie drôle et émouvante

L’année 2014 est déjà bien entamée et pourtant depuis janvier, aucune comédie française ne s’était détachée du lot. Nous avons eu le droit comme chaque année aux mêmes œuvres clichées, ressassant...

le 25 janv. 2015

1 j'aime