Quelle combinaison curieuse a priori! Très alléchante! Aimant beaucoup les films de kung-fu, étant par ailleurs sensible à la poésie visuelle de certains films de WKW, j'avais hâte de découvrir ce que ce film-là allait pouvoir produire.

Je me suis considérablement ennuyé sur une grande partie du film, la première et la plus longue, alors que la dernière m'a un peu ému. Finalement, l'intrusion de ce formalisme très particulier de WKW n'apporte pas vraiment grand chose. L'originalité n'est pas au rendez-vous. Bien pire, ses ralentis et son découpage des gestes annulent toute velléité de tension. Dans ce genre de cinéma, la chorégraphie est importante pour l'adhésion du spectateur. Or elle est ici trop saucissonnée pour apparaitre cohérente, pour "attraper" le spectateur.

Souvent la maitrise technique des combattants et le réalisme des prises de vue incitent le public à ressentir une certaine admiration, créant par la même occasion un lient fort avec les personnages et le récit. Mais la sophistication des scènes de combat de ce film donne à ces séquences un aspect artificiel selon moi rédhibitoire. Pour finir sur le catastrophique alliage "WKW kung-fu", le combat (comme la comédie) ne souffre aucune baisse de rythme. Les changements de tempo dans les séquences d'action se révèlent autant de ruptures qui cassent l'intégrité, la valeur même de ces combats. De fait, on s'emmerde pendant les bastons, sans réel enjeu d'ailleurs. Ou alors on est tellement perdu par les bavardages et les liens entre les personnages qu'on s'en fout un peu? Hm... plus sûrement le foisonnement des ralentis tue l'action.

WKW a gardé sa structure alambiquée, ses allers et retours entre plusieurs histoires. Ce n'est d'habitude pas pour me déplaire, mais sur ce film-là, bizarrement, ils embrument. La lisibilité du scénario laisse à désirer et appuient là où ça fait mal : l'ennui ne cesse de prendre ses aises.

Fort heureusement, je retrouve mon WKW et ses obsessions délicieuses de pessimiste romantique, sa noirceur sur la fin. Et Ziyi Zhang fait le reste. Cette actrice est si juste, qu'elle enchante encore.

Les histoires d'amour finissent mal en général, parait-il. Celles de WKW finissent toujours mal. Et ma foi, ça lui va bien. Il arrive à répéter son antienne avec talent, à taper au cœur. Mais bordel à queue, pourquoi tout ce fatras gesticulatoire qui précède? J'ai de la peine pour ce cinéaste qui depuis quelques temps essaie de se renouveler en vain. Il semble s'être perdu. On dirait une gazelle dans un sable mouvant. Déjà "My blueberry nights" s'était révélé un essai américanisé infructueux. Espérons que ce ne soit qu'une mauvaise passe, par définition temporaire.

Il y a un autre truc qui m'a chiffonné tout le long du film. J'ai vu le film en salle format numérique et je m'interroge sur le fait qu'à de très nombreuses reprises des plans sont flous, que le grain de l'image est bien souvent chargé, floconneux, avec du "bruit" en quelque sorte. Je ne sais dans quelle mesure Philippe Le Sourd, le chef-op, est responsable, ce que cela est censé signifier. En tout cas, c'est exaspérant... surtout quand Ziyi Zhang est à l'écran.
Alligator
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le 8 juin 2013

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