Comme dans Le Dieu du Carnage, pièce de théâtre écrite par Yasmina Reza et adaptée au cinéma par Roman Polanski, The Party ne quitte pas l’espace clos du studio huppé de Janet et Bill, sinon pour suivre ses personnages dans le jardin tantôt parler enfants tantôt cacher une arme à feu dans le fond d’une poubelle. Et de cet espace clos, la réalisatrice tire une puissante métaphore de l’enfermement des protagonistes dans leurs secrets et dans leurs mensonges qui, à mesure qu’ils sont révélés au grand jour, laisse transparaître le fond d’animalité enfoui en plus profond de l’homme. En abordant cette purgation des passions par le biais de la satire mordante, Sally Potter réussit à transformer le drame de vies qui s’émiettent, qui se frappent voire se tirent dessus en vaste comédie de mœurs à la fois hilarante et anxiogène.
La qualité de l’écriture des dialogues et des situations concentre l’intrigue sur une heure de sorte à évacuer tout flottement, à dégraisser le corps dramatique pour n’en garder que le nerf que le muscle : chaque personnage dispose d’un caractère précis qui se heurte aux autres caractères en présence ou cherche au contraire la médiation par la méditation. À propos, s’il fallait trouver une seule raison au visionnage de The Party, nous mentionnerons sans hésiter la performance incroyable de Bruno Ganz en vieil Allemand soucieux de métaphysique et opposé aux sciences modernes. Le voir assis en chaussettes sur le canapé ou à même le sol philosophant à tout bout de champ nous réjouit au plus haut point.
D’une drôlerie diffuse et impertinente, le film de Sally Potter constitue également une attaque féroce des milieux politiques de gauche, la réalisatrice se plaisant à révéler au grand jour l’hypocrisie des figures a priori incorruptibles et infaillibles qui dévoilent ici l’étendue de leur palette d’acteurs et d’actrices. En particulier la montée progressive de la monstruosité, résultat d’une poussée de fièvre vertigineuse qui entraîne l’être aux confins de l’humain : en témoigne la circulation du revolver. Une heure suffit pour qu’éclatent des vérités telles des bombes lancées au visage d’autrui et de soi-même : un carnage fort bien interprété et fort drôle qui nous accroche dès le début pour ne nous lâcher qu’au plan final.