Predator de John Mc Tiernan est, on l’oublie trop souvent, une petite pépite des années 80 valant largement plus que son image de série B bourrine. Sorti juste après Aliens de James Cameron (J.C. étant d’ailleurs à l’origine du design du Predator) pour surfer sur la formule « Soldats vs Gros Monstre », tourné en pleine jungle avec une tonne de problèmes (Arnold perdra 10kg au cours de l’aventure) et une ingérence des studios contre laquelle Mc Tiernan a eu bien du mal à lutter, son statut de réal culte ne viendra que l’année suivante avec Die Hard : Piège de cristal, c’est déjà un miracle que Predator ait vu le jour, et c’est d’autant plus surprenant qu’il est très bon. Film de muscle quasi-parodique devenant film de guerre post-Vietnam (même s’il se passe en Amérique du sud, l’idée du soldat qui descend en enfer est là) pour tourner survival horrifique avec une pincée de S-F, le mélange des genres fonctionne à plein régime, emmené par un Schwarzenegger au sommet de son charisme. Film culte, emballé c’est pesé.


Et après c’est parti en cacahuète.


Un Prédator 2 médiocre en milieu urbain, un Alien vs Predator pas folichon malgré quelques idées (la pyramide sous la glace, c’était cool) et une suite encore plus naze dans une petite ville des Etats-Unis (thème repris ici mais sans en faire des caisses), il y a aussi eu une sorte de reboot de l’univers avec Predators en 2010 mais le film s’effondrait dès le moment où tu comprenais qu’il s’agissait juste d’un remake peu inspiré de l’épisode original avec Adrian Brody pour camper le rôle de Schwarzenegger…


Arrive The Predator. Dernière profanation hollywoodienne du personnage ou vraie bonne idée ? Faut dire qu’en prenant Shane Black, scénariste des deux premiers L’arme fatale, du Bon Samaritain et réalisateur des très sympa The Nice Guys et Kiss Kiss Bang Bang, on pouvait caresser l’espoir que le style caustique du bonhomme arriverait à retrouver une partie du charme du film de 87. Raison n° 2 : Shane Black a joué dans le Predator original ! Un personnage de geek à lunettes spécialiste en vanne foireuse, sorte de side kick comique un peu oubliable entre la face sud et nord du biceps droit de Schwarzenegger. Qu’importe, de toutes les suites données au film de McTiernan, The Predator est peut-être la moins illégitime.


L’unique bonne idée du film, toute proportion gardée, est que son héros, un militaire lambda joué par Boyd Holbrook (le méchant dans Logan), va être amené à coopérer avec une demi-douzaine de vétérans traumatisés : on retrouve ainsi une équipe de personnage secondaires composés d’archétypes clichés complètement siphonnés, comme dans l’original ou le Prédators de 2010. Contempler ces musclors tirer sur tout ce qui bouge en s’envoyant des punchlines bien salées entre deux scènes de boucherie qui ne lésinent pas sur le gore est de loin l’aspect le plus plaisant du film, bien plus réussi que les tentatives d’humour gênantes de Venom par exemple. A côté, ne cherchez pas la moindre séquence horrifique, tout se casse la gueule, du scénario à base de complot gouvernemental douteux à l’introduction au forceps d’Olivia Munn pour un personnage de scientifique non développé. S’il fait l’effort d’être une véritable « suite » en intégrant des références aux opus précédents, la reprise systématique de scènes et répliques cultes de l’épisode 1 sont aussi bienvenues qu’un stand de dégustation gratuite de beaujolais dans un centre d’alcoolique anonyme.


Autre point navrant, même si les bestioles sont plutôt réussies, la réalisation est au niveau d’un court métrage youtube éclairé à la lampe de bureau, à des lieues de l’esthétique plutôt léchée de The Nice Guys. Enfin Shane Black nous ressort pour la troisième fois d’affilée (après Iron Man 3 et The Nice Guys, faut croire qu’il a été traumatisé par Terminator 2) une relation entre le héros et un gamin. En plus de sérieusement sentir le réchauffé, cette idée s’intègre particulièrement mal dans ce récit principalement fait de séquences où nos tueurs ventilent du sang vert fluo à coup de fusil à pompe de l’espace tout en criant leurs doutes la vertu de la mère de certains personnages. On ne parlera pas non plus de la fin pas loin de la non-finesse d’un Indépendance Day Résurgence où tu te demandes le plus sérieusement du monde si Shane Black avait envie de faire un film d’action ou le pilote d’une série Disney channel.


Tout ça pour dire que si The Predator est incontestablement une daube, c’est une daube qui m’a beaucoup fait rire.


En résumé dans The Predator il y a le pire et le meilleur du pire. De l’original, il n’a retenu que l’aspect parodique de sa première partie pour en tirer une comédie d’action qui frotte sacrément fort les amateurs dans le sens du poil mais reposant sur trop de facilités très mal écrites dans une réalisation désastreuse plombées par des effets spéciaux 10 ans en retard ou kitschouille. Incapable de réinventer le monstre culte, on se retrouve avec un récit qui aurait pu être issu d’une fan-fiction postée à 3h du mat sur un forum en ligne par un passionné. Et c’est peut-être exactement ce qu’est le Predator de Shane Black, une proposition de rendez-vous foutraque avec une légende du cinéma, et c’est pour ça qu’au fond j’ai de la sympathie pour cette andouillette quintuple A.

Cinématogrill
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le 22 oct. 2018

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