Longtemps scénariste fétiche d'Hollywood, Shane Black pouvait jusqu'ici se targuer d'avoir réussi toutes ses réalisations. The Predator est son premier ratage. Pire encore, il s'agit bel et bien d'un véritable nanar, très loin de la péloche anniversaire que les fans vieillissants étaient en droit d'attendre. En comparaison, la sympathique purge de Nimrod Antal (Predators) fait office de suite appliquée et respectueuse, sans grande originalité certes, mais qui a au moins le mérite de nourrir une mythologie en perte de vitesse.


Ici Shane Black se fout de tout. Il met de côté tout mystère et désacralise dès l'ouverture son monstre vedette pour en faire l'objet d'études d'une bande de scientifiques du gouvernement aussi cons que leurs pieds et dont le travail raccroche les wagons avec celui de l'équipe de chercheurs menés par Peter Keyes (Gary Busey) dans le second opus. Occupé à ronfler, le "chasseur" se fait chiper l'essentiel de son attirail par un énième bidasse bad-ass à la répartie mollassonne et qui fait bien pâle figure à côté d'un Dutch Schaeffer ou d'un Mike Harrigan (ou même d'un Joe Hallenbeck). Seul survivant de son unité, le gonze (Quinn McKenna qu'il s'appelle) a l'idée de génie d'envoyer tout le matos alien au domicile conjugal où c'est son fils asperger de 10 ans qui déballe le colis et s'amuse avec pour Halloween en canardant son voisinage. Arrêté par l'état major, Quinn clame haut et fort qu'il a flingué un E.T. dans la jungle et se retrouve sans surprise bazardé dans un bus à destination du gnouf. Le temps du trajet, il fait la connaissance d'une joyeuse bande de branquignols gentiments allumés qui n'ont de cesse de s'envoyer des vannes d'enfants de 12 ans (ta mère est si moche que... voyez le genre) tout en mesurant qui a la plus grosse. Pendant ce temps, le monstre se réveille et dézingue à tout va jusqu'à se heurter à la gentille bande de renégats prêts à en découdre. Tout ce joli monde se voit bientôt rejoint par un Predator taille XXL plutôt vénère qui voit en McKenna fils (le gosse de 10 ans donc) son plus digne adversaire et donc un trophée à ramener chez lui pour épater la smala à rastas.


Comment vous expliquer... The Predator est une aberration, du même acabit qu'un Batman and Robin ou qu'un Robocop 3 (Fred Dekker, réalisateur de ce navet historique et grand pote de Black, ajoute d'ailleurs ici sa patte molle au scénario) et qui ferait passer Alien vs Predator Requiem pour un sommet de la science-fiction cinématographique. Tout y pue de près ou de loin, que ce soit le cabotinage exaspérant des acteurs (mention spéciale à Sterling K.Brown), les dialogues et punchlines pourraves (c'est vraiment Shane Black qui a écrit ça ?), la réalisation mollassonne et le score ignoble d'Henry Jackman (qui n'essaie jamais vraiment de rendre hommage au travail de Silvestri). A cela s'ajoute une tripotée de clichés (expérience secrète du gouvernement, étude d'une épave d'ovni, hybridation génétique, sacrifice final des protagonistes, TOUT y est déjà vu et prévisible... ) et de facilités narratives (d'où sortent ces fichues motos ? Et cet hélicoptère ??) ainsi qu'un humour noir bas du front qui décrédibilise tous les enjeux. Oubliez le mystère et la tension des premiers opus, la furtivité inquiétante du monstre et le retour aux instincts guerriers primaires, ici tout le monde s'entretue sans trop de sérieux entre deux vannes déplorables. Au final le seul intérêt du script aurait pu être ce détournement du schéma survivaliste traditionnel (le monstre ne venant plus ici sur Terre pour chasser mais simplement pour fuir un autre chasseur) mais Black ne s'en sert que pour nourrir une intrigue paresseuse, bourrée de poncifs et dénuée de toute ambition.


Le réalisateur avait beau avertir son public à la sortie du film que The Predator se distinguerait des précédents opus, son film ne réinvente rien et se vautre dans tous les écueils du cinéma pop corn actuel. Si la franchise, malgré dix ans de malmenage, semblait enfin prête à redécoller en cette (trop) longue période de revival des classiques 80's, Shane Black réussit en un film à la ré-enterrer.
Un exploit.

Buddy_Noone
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le 27 déc. 2018

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Buddy_Noone

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