Shane Black a écrit mes deux films préférés : Kiss Kiss Bang Bang (qu'il a aussi réalisé) et l'Arme Fatale 2. Autant dire qu'en le voyant aux commandes d'un épisode d'une franchise chère à mon enfance, j'étais à la fois nerveux et excité. Les critiques sont tombées et j'ai reculé.


Trois ans plus tard, c'est le moment de donner sa chance à The Predator avec des attentes drastiquement revues à la baisse par ce que j'ai eu la mauvaise idée d'en lire. Je m'attends à un film PG13 asceptisé produit par Disney avec des blagues à la Marvel, des personnages faussement badass à Suicid Squad et du drama familial à la Emmerich. Malheureusement, je ne me suis trompé que sur certains points.


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N'ayant pas envie de m'éterniser à tirer sur l'ambulance, allons à l'essentiel. Voici ce qui fonctionne relativement bien :


¤ Le film est brutal, n'a pas peur de verser de l'hémoglobine ou de tailler ses personnages en petits morceaux. Quitte à être rated R, il y avait moyen d'aller beaucoup plus loin et d'éviter le sang numérique qui diminue beaucoup l'impact des meurtres. On se retrouve avec bien plus de gens coupés en morceaux mais un film paradoxalement beaucoup moins cru et choquant que l'épisode fondateur.


¤ Certaines punchlines fonctionnent bien et quelques blagues sont rigolotes (How do you circumcise a homeless man? Kick your mom in the chin) mais on est souvent dans le niveau Marvel du malaise, comme prévu.


¤ Les Predators sont féroces et ne font pas dans la dentelle. La scène où l'un d'eux s'échappe en décimant tout le personnel d'un complexe scientifique est exactement ce que j'avais envie de voir.


Si c'était juste un film d'action avec des monstres, ce serait juste correct, car on ne s'y ennuie pas, mais pour un Predator, c'est un sacré gâchis. Et qu'est-il arrivé au Shane Black des beaux jours, avec ses personnages inoubliables, ses dialogues ciselés et son humour millimétré porté par des acteurs formidables ?


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¤ Le héros est un naufrage total. Black essaye clairement de refaire le personnage de Joe dans Le Dernier Samaritain, mais Boyd Holbrook est loin d'avoir les épaules de Willis.


¤ Olivia Munn était partie pour avoir un personnage débrouillard et courageux et ses premières scènes sont très réussies. Mais quelques minutes plus tard, elle se tire dans le pied (littéralement) et se retrouve reléguée à du gardiennage d'enfant jusqu'à la fin du film, pendant que papa va faire le ménage.


¤ Tout le groupe de de second rôles semble tiré d'une parodie ratée des Ailes de l'Enfer. La plupart tiennent en deux adjectifs, avec une vague histoire pour expliquer leurs antécédants et... essayer de créer un semblant d'empathie ? On en loin du compte.


¤ Est-ce qu'on avait vraiment besoin de cette histoire d'ADN, avec des Predators géants et des chiens de l'espace ? Le Predator n'a jamais eu besoin de mesurer 4 mètres de haut pour faire peur et c'est dans le minimalisme des explications que les deux premiers films maintenaient la tension et le mystère. On vit une époque étrange où tout doit être surexpliqué et ce qui ne l'est pas aura droit à sa préquelle et son origin-story.


¤ C'était vraiment nécessaire de mettre un gamin là dedans ? Avec l'habituelle invulnérabilité des enfants à Hollywood, qui fait que le marmot se fait kidnapper bien vivant par un Predator qui jusqu'à présent s'était contenté de collecter des colonnes vertébrales. Au passage, vous reprendrez bien une petite couche de drame familiale avec le papa divorcé qui recolle les morceaux avec son fils (et non "de son fils", malheureusement)


¤ On est passé du film d'action-horreur à la comédie d'action un peu gore. Comptez une heure et demi de comédie avec des personnages loufoques, entrecoupé de quelques fusillades sympa mais vite torchées, suivi d'une grosse demi heure d'action à la fin où on liquide les second rôles un par un dans l'indifférence générale.


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Je pourrais encore casser un demi kilo de sucre sur l'animal, car ne sont pas les problèmes qui manquent, à commencer par le comportement totalement incohérent du Predator géant qui étripe les seconds couteaux anonymes en un claquement de doigts mais s'efforce de ne surtout pas blesser les héros immortels. On assiste à des scènes franchement embarrassantes où Boyd Holbrook et Olivia Munn sautent sur le Predator et se font gentiment jeter sur le côté sans une égratinure, alors qu'il vient de massacrer un bataillon entier de troufions juste parce qu'ils étaient dans le passage.


Et on parle des Deus Ex Machina à répétition ? Ok, désolé, j'avais dit que j'arrêtais.


Alors de deux choses l'une, soit Shane Black est devenu gâteux après son passage chez Disney pour Iron Man 3, soit c'était un pur film de commande sur lequel il a eu des milliers de contraintes. Dans tous les cas, le résultat est bancal et peu recommandable. "Plutôt divertissant" est réellement tout le bien que je peux en dire.

Ezhaac
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le 23 oct. 2021

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Ezhaac

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