Voilà un titre qui convient bien à l’histoire, à une œuvre qui affole le compteur du nombre d’entrées grâce au tapage médiatique dont elle a bénéficié, à un film qui, en regard de son scénario… revient de loin. La bande annonce est accrocheuse, attise la curiosité des spectateurs pour les attirer en salle, et l’Oscar du meilleur acteur pour Leonardo DiCaprio est une formidable publicité.
Qu’est-ce qu’on a au final ? Une histoire des plus banales, mais filmée de façon exceptionnelle. Ce qui frappe d’entrée, c’est le côté esthétique, avec cette première scène où on entend l’eau courir, un son qui accompagne l’élargissement du plan sur la forêt avec cette lumière qui pénètre timidement à l’intérieur, sur une musique percutante laissant présager que quelque chose va se passer.
Visuellement, ce film est un véritable régal, grâce à cet entêtement que le réalisateur et le directeur de la photographie ont témoigné pour ne tourner qu’avec la seule et unique lumière naturelle, en dépit des conditions météorologiques très capricieuses qui ont complexifié le tournage et poussé la production à se déplacer de la région d’Ushuaïa aux contrées du Canada pour aller chercher la neige. Ceci a eu pour conséquence de prolonger le tournage de 6 mois, excusez du peu. Un drôle de pari, laborieux mais réussi : le film est saisissant de réalisme, plongeant le spectateur dans l’Amérique profonde et sauvage, à une époque où les indiens, à qui les terres ont été volées, luttaient pour survivre.
Tourné dans des décors naturels, nous ne pouvons qu’être admiratifs devant cet étalage de plans nature tous plus beaux les uns que les autres. Des plans dignes d’un maître en reportage. Des paysages à en couper le souffle, parfois baignés de la seule lumière diffusée par la lune. Ces plans, que certains considèrent comme étant trop nombreux, sont là pour étayer le fait que la nature est importante pour la population locale, puisque c’est grâce à elle qu’ils peuvent vivre, à condition d’avoir une certaine communion avec elle. Alejandro González Iñárritu n’a pas volé son Oscar de meilleur réalisateur, pas plus qu’Emmanuel Lubezki pour la photographie.
Et que dire de Leonardo DiCaprio ? Je crois que cette fois, il mérite amplement cette statuette. Une interprétation sans faille de tous les instants, pour endosser la peau d'un homme décrit par le roman éponyme de Michael Punke. Nous sommes d’accord, l’histoire parait abracadabrantesque, le corps humain ayant des limites, surtout dans un milieu aussi hostile. Mais que voulez-vous ? L’histoire s’inspire de faits réels et d’un roman, et si la trame du livre n’avait pas été respectée, on aurait crié au scandale. Donc l’histoire est celle qu’elle est, racontant les ressources exceptionnelles qu’un être humain peut avoir, surtout quand il y a toute une philosophie de survie derrière qui revient en leitmotiv, mais aussi… le mental. Cette histoire rappelle d’ailleurs un peu celle de Louis Zamperini qu’Angelina Jolie a porté à l’écran à travers son film "Invincible". Vous savez, cet homme athlète qui s’est battu pour survivre durant la Seconde Guerre Mondiale… Opposé à armes inégales à un surprenant Tom Hardy que j’ai trouvé lui aussi excellent (et que j’ai personnellement découvert à travers le superbe "Enfant 44"), DiCaprio se montre… stratosphérique, je crois que c’est le mot qui convient. Il faut dire qu’il a fort à faire avec la férocité du personnage interprété par Tom Hardy, méconnaissable pour le coup, exprimant une sauvagerie dépassant l’entendement. Les deux acteurs ont su élever leur niveau de jeu de façon hallucinante.
Pour ce qui est de la trame, le film est de très haute volée jusqu’au moment où le trappeur Glass est laissé pour mort par ses compagnons de route.


Très mal en point qu’il est suite à une très impressionnante lutte avec un ours, scène au cours de laquelle je me suis surpris à porter ma main à la bouche afin d’étouffer la stupeur.


Ah il ne fallait pas le dire ? Oups ben c’est trop tard, et puis de toute façon, cela est mentionné dans le synopsis, la bande annonce, et en plus cela a été dit pour présenter les grandes lignes du film lors de sa promo.
C’est à partir de ce moment que les choses se gâtent : la convalescence. Si beaucoup de films survolent cette phase, ce n’est pas le cas pour "The revenant".


Tout le périple est détaillé, relatant un sort qui s’acharne toujours sur le même homme qui, dans son malheur, bénéficie paradoxalement d’un facteur chance incroyable, confirmant l’adage comme quoi la chance sourit aux audacieux. Je pourrai en dresser une liste, mais ce serait long et je révèlerai de trop le film.


Elle est longue, et malgré le spectacle saisissant offert par la nature et les acteurs, l’ennui pointe doucement le bout de son nez, plongeant le spectateur dans l’impatience, attendant vainement de l’action à priori promise par la bande annonce. Autant ne pas vous mentir, côté action, on repassera. Mais au moins, cette longueur représente bien la longue odyssée que Glass doit accomplir. Je ne vous cache pas que je suis ressorti du cinéma un peu déçu, car je m’attendais à un rythme plus soutenu, à un peu plus d’action. En fait, la bande annonce résume tout le film et présente les moments les plus rythmés, alors que cette histoire est présentée sous une dimension humaine assumée.
Cela dit, je ne regrette pas mon argent car "The revenant" est assurément à voir sur grand écran. Pour couronner le tout, la bande son est également de très haute volée, tant la répartition des différentes sonorités permet une immersion totale dans la nature. On écoute, on tend l’oreille, et même une certaine fébrilité nous gagne avant l’attaque de l’ours.
Quant aux maquillages, je pense bien que DiCaprio a dû passer de nombreuses heures sous les doigts experts des maquilleurs. Ils ont un rendu effroyable et crédibilisent à souhait les lacérations survenues lors de scènes d’une extrême violence, et qui font qu’on a mal pour les personnages. J’en profite pour adresser un grand merci aux responsables des effets visuels qui ont fait un super boulot. Alors oui, quoi qu’il arrive, même si vous n’aimez pas ce film, vous ne resterez pas indifférent à un moment ou un autre.

Stephenballade
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le 13 nov. 2020

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Stephenballade

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