Autour de ces trois mots tourne ce film.


Sauvagerie : hommes animalisés, bêtes qui imposent leur loi, assassins sans âme, parole qui se tarit, haine qui tient debout, voix qui grogne, rage qui ronge, chair qui suppure, peaux qu'on empile, animaux qu'on éviscère, dents qui déchirent, rouge dans le blanc, sang qui déborde, saleté qui infecte, faim qui obsède, lèvres fendillées, douleurs de l'âme, chagrins de l'absence, désespoir du cœur, abandon absolu, hostilité partout.


Grandeur : immensités sans fin, paysages enneigés à perte de vue, déserts sans frontières, lignes d'horizon inatteignables, cascades et canopées, insondables tréfonds de l'âme, ressources insoupçonnées, la force qu'on ne pressentait pas, l'envie d'être debout, l'adrénaline vengeresse, dents serrées qui contiennent l'insupportable, l'amour qui fait tenir et continuer.


Nature : froid qui coupe, vent qui cingle, blanc aveuglant partout, rivières pures et puissantes, hautes branches qui s'agitent, bruissement des feuilles dans l'air, la lumière du soleil par-dessus les montagnes, l'aridité glacée, les routes absentes, les hommes rares, l'intacte poésie des éléments - no, it's no(t) a country for (any) men.


Bien sûr que c'est un grand film et on se fiche un peu de savoir qu'Inarritu s'est inspiré ça et là de techniques trouvées ailleurs : le cinéma n'est-il pas qu'une histoire de transmission, d'héritage, d'hommages ? A-t-on conscience, dans la pratique d'un art, des influences qui nous traversent ? J'ai perçu du Terrence Malick et son Nouveau Monde dans ce film, surtout (voix off, mise en lumière poétique de la nature).


DiCaprio est, comme je m'y attendais, grandiose : il relève avec fougue le défi de tenir le spectateur en haleine sans presque aucun mot pendant 2h30. L'Oscar sera évidemment mérité.


Tom Hardy, que j'avais quitté sur les terres sableuses de Mad Max, campe ici un immonde salaud d'une justesse absolument parfaite. Un acteur indéniablement talentueux que je suivrai désormais de près.


Enfin, la musique, livrant tantôt des morceaux dissonants, longs et anxiogènes (à la Birdman), tantôt classique et symphonique, sert dans tous les cas impeccablement le propos, entre tension et contemplation.


Heureuse et émue d'avoir retrouvé intactes la puissance, la noirceur dramatiques de mon cher Alejandro, dont la variété des sujets, la créativité des œuvres, me blufferont toujours.

BrunePlatine
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le 26 févr. 2016

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