La simplicité du scénario n'est pas en soi un défaut, mais c'est la contradiction entre l'épure du propos et la sophistication de la mise en scène qui crée un sentiment de vide gênant tant le film est rempli de péripéties à l'écriture, somme toute, faciles.


Il y a presque des scènes de genre, du survival au gore - genres souvent dénigrés pour leur violence gratuite, mais ici il s'agit d'un film d'auteur populaire, donc on ne dira rien... - où l'infortuné trappeur subira les pires souffrances, en jouant avec un suspens bien maîtrisé et des effets spéciaux de toute beauté, comme la saisissante attaque de l'ours. Mais cette succession d'épreuves n'a que peu de sens, et la redondance de ces situations atteint malheureusement le grotesque tant le bonhomme joue de malchance (ours, tentative de meurtre, chutes d'eau...) et paraît increvable, le pompon étant sa chute à cheval dans une crevasse, tellement inutile dans le récit.


De cette nature sauvage, qui ne fait pas de cadeau, on en adopte le point de vue. C'est le sentiment qui prédomine tant l'esthétisation des paysages (il est indéniable que la photo et les cadrages sont somptueux) force la contemplation et l'admiration de cette beauté virginale, or c'est cette même nature qui, en partie, contribue à infliger des souffrances au héros. Il ne s'agit pas de la diaboliser, mais en tant que personnage, elle ne dialogue pas avec Glass, dont le point de vue sur sa perception de l'environnement n'est pas ressenti. Et c'est bien là que se situent pour moi les limites qu'impose le film: une bien faible implication émotionnelle. Voir la souffrance physique, c'est viscéralement parlant, mais faire ressentir le désespoir, la rage, voire même le vide, tant il marche à l'instinct, c'est ce que, à mon sens, ne parvient pas à faire Inarritu.


Il est alors fastidieux, malgré les efforts de mise en scène, de suivre le parcours d'une vengeance finalement pathétique et presque non assumée, simplement nourrie de pénibilité au travail pour Di Caprio et de casse tête technique pour le réalisateur. Ce dernier fait une belle démonstration de ses talents (l'introduction, notamment, est bluffante), mais le film aurait gagné en consistance s'il s'était un peu effacé pour laisser la place à ses personnages.

McReady
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le 27 juin 2017

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