J’avais déjà vu l’avant dernier film d’Östlund, Snow Therapy (ou Force Majeure en français, le choix du titre m’étonnera toujours) au cinéma. Et le film m’avait laissé assez froid. Cela passe évidemment par la réalisation composée d’une série de longs plans fixes et de musique classique parsemée tout au long du métrage.
Et on reconnaît cette patte dans The Square dès le début. Mais là où je ne l’explique pas, c’est qu’elle m’a moins dérangé dans son dernier film que dans Snow Therapy alors qu’il dure environ 2h22 contre 1h55. Je pense qu’il a appris de certaines de ses erreurs et a décidé de garder la formule tout en l’adaptant.


Mais pourtant je ne peux pas dire que j’ai aimé The Square, encore moins que je l’ai adoré.


En effet, je ne reproche pas foncièrement ce qu’il y a dans le film, mais plutôt ce qu’il n’y a pas. Je ne comprends pas certaines scènes comme par exemple la longue séquence avec le performeur qui se prend pour un singe. Elle ne me pose pas de problème en soi mais n’est évoquée ni avant ni après durant toute l’entièreté du film. Peut-être qu’Östlund voulait interroger jusqu’où l’art peut aller mais quand on met dans son film un homme qui tente de violer une femme et qui se fait « tabasser » par cinq invités ; j’attends que cela ait un minimum impact sur le film ou sur Christian, le personnage principal qui été présent lors de ladite « performance ». Cela aurait pu le remettre en question concernant l’art, où-est-ce qu’il doit aller où autre chose, mais quelque chose au moins.


Et c’est un peu tout le problème du film.


Des intrigues se mettent en place et se développent pour ne pas aboutir. Je pense notamment à l’histoire avec l’enfant qui demande à Christian pourquoi il l’a traité de voleur. Même l’histoire du vol du téléphone et du portefeuille de notre fringant conservateur de musée. Je trouve que cela prend tout de même une ampleur assez démesurée pour ce que c’est dans le film.
Néanmoins, je n’ai pas spécialement souffert des 2h20 contrairement à Valerian par exemple. Et je me dois de souligner que j’ai trouvé le film très mais alors très bien joué. De mémoire d’homme, tous les acteurs m’ont convaincu, notamment l’enfant qui demande à Christian pourquoi il l’a traité de voleur (dommage quand on s’aperçoit où son intrigue mène).


Quelle surprise de lire en lettres blanches les noms de Dominic West et d’Elisabeth Moss au générique de début.


D’ailleurs je trouve que le film joue bien avec le jeu des langues, cela ne m’a pas semblé forcé et au contraire, cela montre la prédominance de l’anglais pour s’exprimer surtout dans le monde de l’art. Le singe (vrai cette fois-ci) de Moss dans le film m’a amusé même si sa présence n’est pas expliquée, mais bon, il ne faut pas attendre des explications pour tout : c’est ce qui fait le charme de certaines scènes ; mais cela ne marche pas toujours. Je pense notamment à la séance de questions-réponses en présence de Dominic West (très bon dans son rôle d’artiste avec ses lunettes de soleil jaunâtre rappelant Pasolini) et avec l’homme qui a le syndrome de la Tourette. Je n’attends pas que l’on me mâche tout dans un film mais là, c’était tellement comme un cheveu sur la soupe, cela ne revient qu’une fois : un moment WTF avec Moss qui imite l’homme en répétant « CUNT ! CUNT ! » devant un Christian perplexe qui n’a qu’une envie, c’est de se vider la vessie.
Et des moments comme ça il y en a un moulon dans Le Carré (pourquoi emmener Nikki devant la supérette ? Je pensais que cela l’intègrerait dans la péripétie du téléphone et portefeuille volé de Christian mais non. Rien. Nada. Niente ).


Et c’est dommage ce genre de choses car bien que je ne déteste pas le long-métrage, cela m’empêche de vraiment l’aimer bien que je lui reconnais des bons côtés bien volontiers.
Je parlais de la réalisation tout à l’heure et bien qu’elle ne m’ait pas dérangé, je dois admettre que j’ai trouvé dommage de laisser la caméra en plan fixe bien plantée sur son trépied dans la scène de fête au musée par exemple. Cela aurait totalement tranché avec le reste et aurait placé la scène dans une bulle où Christian ne fait que s’éclater et où la caméra nous aide à mieux nous identifier à lui en épousant ses mouvements, peut-être avec des plans caméra à l’épaule ou d’amples mouvements à la De Palma, quelque chose qui nous fasse vibrer à côté des personnages. Parce que la façon dont Östlund choisit ses cadres me donne l’impression de regarder à travers une caméra de surveillance de très bonne qualité et c’était déjà sa manie dans Force Majeure (je n’en reviens toujours pas de ce titre) et je trouve que cela met une distance immédiate entre nous et les personnages, choix plutôt étrange quand on sait que le film traite aussi des différents sentiments (amour, peur, doute etc…) qui assaillent Christian.


Après j’aime bien les questions que soulèvent le film concernant l’art et les préjugés mais je pense qu’il me faudra lire plus d’interview d’Östlund afin de me rapprocher de ses intentions parce qu’en l’état, je trouve que le film a une forme assez prétentieuse en nous refusant non seulement les clés pour complétement comprendre à quoi mènent les différentes intrigues mais également les serrures pour y voir leur intérêt.


Je trouve ça assez déconcertant qu’un film ayant ce genre de lacunes (à mon goût) ait pu gagner la Palme d’or.


Ma foi.


EDIT :
D’habitude je ne lis pas spécialement d’interview (entendre je ne fais pas la démarche de moi-même) pour tous les nouveaux films que je vois car je pense qu’un film doit se suffire en grande majorité de lui-même. Mais j’ai fait une exception.
Après avoir lu quelques interviews, il apparait qu’une version de 3h10 existe, donc peut-être que les intrigues qui me posent problème ont bel et bien été résolues dans cette version mais si tel est le cas, pourquoi se donner la peine de les tourner pour les mutiler ensuite ? Ou on garde tout ou on envoi tout en l’air non ?
J’ai également vu l’interview de l’équipe du film (un véritable challenge du fait que l’on n’entend pas toujours très bien les questions du présentateur) et il apparaît que le film a pas mal de séquences d’improvisation et je dois dire qu’elles sont particulièrement réussies dans la version vue au cinéma.


Au final, je ne peux pas dire que je l’ai adoré mais il a fait son petit bout de chemin dans mon esprit depuis et à acquis une certaine sympathie chez moi.
Maintenant j’ai hâte de savoir si je pourrais voir la version de 3h10 qui pourrait potentiellement assouvir mes questions et mes réserves.


L’interview de l’équipe à Cannes : http://www.dailymotion

Léo_Miremont
6
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le 9 août 2017

Critique lue 501 fois

Léo Miremont

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