Un carré plat qui donne un tournis vertigineux !

Contrairement à ce que son titre peut laisser penser, « The Square » donne le tournis et sort continuellement du cadre ! En voilà un film original, qui, avec son air de ne pas y toucher, ose pourtant nous livrer une proposition peu courante et souvent pertinente.
Véritable satire de nos vies modernes, le scénario attaque sur de nombreux fronts, en exagérant finalement peu le trait, sauf à de rares occasions. S’il use de quelques clichés, il le fait avec une intelligence et une lucidité rare.
L’art contemporain, la bourgeoisie, le monde des médias, des agences de communication, les relations sexuelles, l’individualisme, la pauvreté, l’utilisation excessive de smartphones, la liberté d’expression… La liste des thèmes abordés est touffue. Mais le film va plus loin et nous montre les conséquences d’actions peu banales ainsi que les conséquences de l'inaction, où le fait de manquer d'assumer ses actes et/ou ses responsabilités, a des répercutions surprenantes.
Même si le ton n’est pas vraiment celui d’une comédie, ces tranches de vies nous font soit rire jaune, soit grincer des dents au point d’en faire sauter l’émail !
Les situations corrosives et généralement méprisables, sont présentées avec une mise en scène et des éclairages travaillés, comme pour mieux mettre en avant les mauvais comportements, avec de belles images qui ont un impact saisissant.
Ruben Östlund semble prendre un malin plaisir à faire durer certaines scènes, comme pour mieux en faire des points d’orgue, insister sur le trait pour nous faire ressentir pleinement un malaise.
Car s’il est facile de s’opposer à certaines actions et personnages du film, il est tout de même bon de se demander comment nous aurions réagi face à ces mêmes situations ?
Le réalisateur joue de nombreux contrastes, les bobos ont peur d’aller dans un quartier populaire car ils craignent de mauvaise actions des habitants (notamment qu’ils abiment leur voiture électrique dernier cris), mais lorsqu’ils sont dans une soirée huppée, ils n’ont aucun scrupule à boire, fumer et se vautrer sur du mobilier historique ayant appartenu à la couronne royale de Suède !
Le paroxysme de nombreux non-sens est atteint par la destruction partielle d’une œuvre d’art contemporaine (des tas de gravats) qui coute une fortune au musée alors que finalement, peu de visiteurs viennent la voir. Entre ceux qui la regardent 10 secondes et ceux qui veulent la photographier avec leur téléphone (et se font refouler), il semblerait que personne ne tienne à en chercher le sens (la voir prévaut sur en comprendre la portée). Pire, quand l’œuvre est partiellement aspirée par l’équipe d’entretien des sols, le directeur du musée refuse de faire jouer l’assurance et se propose de reconstituer l’œuvre approximativement en se basant sur des photos… Rien que sur cette excellente séquence, il y en aurait des choses à dire tant elle dénonce des travers de notre société.
Des séquences marquantes, le film en est truffé, pour ma part, le trio gagnant et la scène des poubelles (fouiller les sacs pour retrouver un papier et essayer de réparer son comportement ordurier), la scène où le personnage principal monte les escaliers (le cadrage devient un cercle qui donne le tournis) et enfin, la scène la plus marquante du film : le diner VIP au musée et son happening où un homme joue un singe.
Sans rien dévoiler de cette fabuleuse scène jouée par Terry Notary (qui est un expert dans la simulation simiesque), on constate aisément que les gens sont des moutons individualistes qui respectent les consignes en dépit du bon sens et qui tardent à venir en aide à une victime.
Si le film est loin d’être parfait, s’il est un peu trop long (sans être ennuyant), s’il tire le trait pas toujours du bon côté, il a le mérite d’exposer nos faiblesses humaines d’une façon assez inédite.
Reste à espérer que la Palme d'or du Festival de Cannes 2017 nous fasse prendre conscience du mauvais cadre dans lequel nous nous sommes placés et surtout, nous fasse réagir pour mieux en sortir.

ATHMOS
7
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le 24 oct. 2017

Critique lue 308 fois

ATHMOS

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