Dans l'éternel débat concernant les suites meilleurs que le premier volet, il y aura toujours des cas non résolus : Le parrain 2 est-il meilleur que le premier ? The raid 2 est-il au-dessus de the raid ? Before sunset ou Before sunrise ? Et puis il y a des cas de figures où le premier opus est tellement éclaté que l'idée même de produire une suite tient du miracle. Et quand cette suite se paye le luxe de corriger tous les défauts de son prédécesseur alors forcément on applaudit. Car oui The Suicide Squad est un bien meilleur film que le premier, ce qui n'était pas difficile, mais il est peut-être le meilleur film de super-heros de ces dernières années tant il se démarque par sa liberté. Meilleur que la quasi-intégralité des daubes interchangeables du MCU, meilleur que les rollers coaster indigestes et bourrés de défauts qu'étaient Infinty War et Endgame, meilleur que la superficialité ringarde de DC (oui la snyder cut de Justice League est Joker sont dedans). James Gunn fait même mieux que ses deux Gardiens de la galaxie réalisés pour Disney/Marvel et qui faisaient partie du panier haut du MCU, un haut du panier pas difficile à atteindre certes mais bon. Ici Gunn n'obéit pas un cahier de charges imposé par un studio comme c'était le cas avec les gardiens, le film est un vrai délire de réalisateur et pas une commande réécrite des dizaines de fois avant validation comme tous les films du genre et il peut donc laisser libre cours à ses envies.


Le choix de ramener Gunn pour cette suite sonne comme une évidence tant l'unique raison qui avait poussé Warner à produire le premier était d'offrir un contrepoint aux gardiens de Marvel. On réunit une équipe de bras cassés asociaux, on balance de la musique cool pour accompagner les scènes d'action, on les confronte à un danger hors de leur capacité de résolution... Bref une commande de studio qui aurait pu être bon mais qui n'avait pas le cran de proposer ce qu'il nous vendait. On nous présentait une équipe de criminels immoraux pour finalement en faire les étendards du puritanisme américain, on remplissait le tout de bons sentiments et de blagues pas drôles alors que l'intrigue évoluait dans un cadre sombre et apocalyptique... Le film ne savait pas vraiment ce qu'il était censé être, un brouillon schizophrène sans aucun sens du rythme, de la narration et monté à la truelle, un film fait à la va vite pour concurrencer les voisins.


Seulement voilà, les années passent et l'idée de réaliser une suite s'enterre doucement, faute d'idée du studio. Et c'est là où les dirigeants de la Warner eurent une bonne idée. Aussi bonne que d'aller chercher Burton et Nolan pour Batman, Raimi pour Spider-Man ou Del Torro pour Hellboy. L'ami Gunn vient de se faire virer par Disney pour des tweets à l'humour douteux (s'il s'était virer pour sa sortie complètement conne sur Scorsese j'aurais limite compris, mais là...), et Warner vient donc naturellement le draguer en lui promettant carte blanche et une liberté totale sur son film. Comprenant ses erreurs et ne sachant de toute façon pas quoi en faire, la Warner lui passe ainsi les commandes de la suicide squad.


Alors oui, Gunn n'est pas le meilleur des metteurs en scène, mais ce n'est pas non plus le dernier des manches et il le prouve, aussi bien dans sa réalisation que dans son écriture. Affranchi de toutes contraintes comme ça pouvait être le cas chez Disney, il épouse à fond son sujet et sa débilité pour offrir un joyeux bordel parfaitement maitrisé. Le film est con, mais dans le bon sens du terme, car il sait qu'il est con et va forcément en jouer. Oui, ça ne sert à rien de vendre un film sombre alors que ton équipe est composé d'un homme requin arriéré avec la voix de Stallone, d'une belette qui mange des enfants, d'un dépressif qui balance des paillettes, d'une portugaise qui contrôle des rats et surtout de John Cena en Captain America redoutable mais totalement débile. Pourtant, Gunn sait que le spectateur doit s'investir dans son récit sinon le film n'aura rien à proposer qu'un déluge de conneries superficielles, alors il rend son équipe attachante et prend son enjeu au sérieux. Astier disait il n'y a pas longtemps qu'une comédie fonctionne si les enjeux sont sérieux. Et je pense que Gunn est du même avis et réussit là où Astier échoue avec son film Kaamelott.


L'écriture est intelligente et évite tous les poncifs du genre, la scène du début où Idris Elba voit sa fille par exemple. N'importe quel yes man hollywoodien en aurait fait une scène larmoyante pour montrer que le héros n'est pas si méchant que ça, (on aurait d'ailleurs pu l'avoir avec le perso de Will Smith dans le premier) sauf que là Gunn transforme la scène en engueulade grossière pour à la fois déconstruire les schémas habituels mais aussi pour montrer que le personnage d'Elba est un pauvre con. Le personnage évolue par la suite au fil des péripéties tout en restant un salaud certes, mais en montrant d'autres facettes : meneur d'hommes capable, emphatique, complexe, un humain quoi. John Cena, le défenseur de la paix est un idiot, mais il est également très bon dans ce qu'il fait : tuer des gens en masse. Difficile de ne pas y voir une représentation de la politique externe américaine.


Et tout le reste du film est comme ça, il détourne les attentes tout en restant intelligent. L'arrivée sur la plage fait en 10 minutes ce que le premier film était incapable de faire. On a cette bande d'abrutis qui s'échoue sur la plage et ce qui doit arriver arrive. Le spectateur comprend en même temps que les personnages que l'équipe vient de se foutre dans un gigantesque bordel et qu'ils sont totalement inadaptés à la situation et c'est là où le fun commence. Certains membres ont un agenda propre et vont forcément en venir au clash tant l'équilibre au sein de la bande est précaire. Les mecs vont alterner des moments où ils réussissent et d'autres ont ils vont faire d'énormes bourdes. Ils vont alterner des moments de détentes et des moments de tensions jusqu'à que le point de non-retour soit franchit. Et la grande réussite du film c'est qu'il ne s'interdit aucune émotion. Là où Infinity War et Endgame se sentaient obligés de dédramatiser toutes ses situations dramatiques par de l'humour pour ne pas être trop triste, trop violent, trop grave, ici on y va franco.


Le film est drôle quand il doit l'être, violent quand il doit l'être, tordu et complètement con quand il doit l'être (Harley Quinn et son idylle expédiée avec le dictateur) mais grave quand la situation l'impose et arrive même à être émouvant sans tomber dans le pathos. Au niveau de la mise en scène, on est sur du propre, loin de des plans dégueulasses et tape à l'oeil de Joker tout juste bon à faire des fonds d'écrans. Là on a de bonnes idées ici et là qui arrivent à faire vivre ses personnages, des moments, oserais-je le dire, qui flirtent avec une certaine poésie.


Alors certes, ce n'est pas le film de l'année, certes il y a quelques défauts. Mais The Suicide Squad est un vrai plaisir coupable qui attise la sympathie par sa liberté et la maîtrise de son sujet. Dans le petit monde aseptisé des films de super-héros où le public a le choix entre les bouses impersonnelles de Marvel et les délires ridicules de DC de faire des films d'auteurs subversifs à un milliard de dollars de recettes, où le scénario ne prend aucun risque et où le moindre rebondissement et vu et revu (Joker et Avengers même combat, oui oui), et bien vous savez quoi ? Voir cette bande de tocards attachants s'étriper et se faire étriper dans la jungle, ça fait du bien !

ReyMa
7
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le 8 août 2021

Critique lue 148 fois

Rey Ma

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