En pré retraite dorée (2 épisodes de Masters of Horror et puis s’en va) depuis la sortie de son Ghost of Mars (2001), John Carpenter n’a réellement remis le pied à l’étrier qu’avec le confidentiel et toujours inédit chez nous The Ward (2010) qui écope d’une sortie DTV un peu partout. Pas vraiment un retour en fanfare, donc, malgré la présence de la toujours délicieuse Amber Heard (Hell Driver), pour un Big John qui a définitivement du mal à retrouver les faveurs de la critique (son dernier effort se fait gentiment désosser de droite et de gauche) et du public (depuis le début des années 90, seul le très sympa Vampires peut s’enorgueillir de recettes salles correctes). Dur. Surtout qu’on ne cause pas d’un faiseur quelconque mais bien d’un type qui a quand même à son actif plusieurs classiques du cinoche (de genre) de ces 35 dernières années : Assaut, Halloween, The Thing, New York 1997. Ouais, ça claque. Une filmo qui a de quoi en faire rêver plus d’un et n’a pas tardé à attirer les producteurs en quête de produits rentables et faciles à tourner. C’est un peu le lot de toutes les oeuvres populaires 80’s me direz-vous. Assaut sur le central 13, The Fog, Halloween, un remake de New York 1997 toujours dans les tuyaux. Si le film de Zombie – haters gonna hate – tient franchement la route, il en va tout autrement de celui de Rupert Wainwright - duquel Carpenter est d’ailleurs producteur(1) - ou de la relecture de Richet, dans une moindre mesure que le bousin précédent, certes.

Quand bien même la spirale copiste dans laquelle s’enferme Hollywood (on ne compte plus les remakes, prequels, reboots, adaptations de comics, romans, jeux-vidéos, etc.) tend à sérieusement agacer (un reboot de Spidey à peine 10 piges après celui de Raimi, sérieusement ?), difficile de cracher notre bile haineuse au visage de ces producteurs et studios qui copulent sans vergogne dans la cave au risque d’engendrer une progéniture mongolienne. Déjà, car dans cette déferlante de projets non originaux, y’a – aussi – des trucs biens les cocos. Qui ira contester les réussites de Jackson, Nolan, Raimi, Del Toro, Aja et consorts (la liste est longue) ? Et puis, ce comportement pathogène ne date pas non plus d’hier. Déjà, The Thing en son temps n’était autre qu’un remake de La Chose d’un autre monde de Christian Nyby (ou, selon la rumeur, d’Howard Hawks, dont Carpenter est un grand admirateur), lui-même adaptation de la nouvelle Who Goes There ? Pour la petite histoire, le film de 1981 se veut en réalité bien plus fidèle au récit publié en 1938 que l’essai de Nyby/Hawkes. Bref, vous avez pigé où l’auteur de ces lignes veut en venir, du moins on l’espère : n’enfermons pas Matthijs van Heijningen Jr. (je pourrais avoir fait des fautes d’orthographe à son nom, vous n’y verriez que dalle) dans le congélo sur le seul prétexte qu’il s’attaque à l’un des films de chevet de Fabien. Avec Ronald D. Moore (Battlestar Galactica) au scénario, cette nouvelle mouture opte pour une approche prequel (c’est à la mode) et établit son campement dans la base norvégienne (visitée, on le rappelle, au cours de “l’original” par MacReady et le Dr Copper) histoire, sans doute, de ne pas trop s’attirer les foudres de fans vindicatifs armés de lance-flammes et de découvrir quel était le salaud viking de corvée de ménage ayant eu l’indélicatesse de laisser un bordel pareil. Pas fan des soirées entre couilles, le père Moore ramène même de la poule (Elizabeth Winstead). Matthijs van Heijningen Jr. (ci-après dénommé le hollandais) évite-t-il pour autant de nous servir une soupe réchauffée ? Réponse frigide.

Dead Snow

The Thing. 1981. Première scène. Caméra tremblante (alors que tout le reste du métrage est emballé dans un scope classique et classieux), les falaises enneigées de l’antarctique pour seul et unique horizon et le score à la fois minimaliste et claustrophobe de Morricone (une petite anomalie au sein de la carrière de Carpenter qui a composé quasi toutes les BO de ses films) qui résonne. Aucune échappatoire possible. Un sommet de concision. En une minute, le décor est planté. The Thing. 2011. Deux cons dans une autoneige. L’un raconte à l’autre une vanne débile sur un gamin découvrant papa entrain de gâter de maman. Un troisième surveille un radar. Et nos 3 stooges de se taper une chute de 30 mètres pour se retrouver coincés entre 2 parois juste au-dessus du véhicule extraterrestre. “C’est quand même bien fait” (© Pan). En une minute…
Cette introduction totalement à côté de ses pompes démoulée, le hollandais déroule un prequel qui n’en est pas vraiment un, s’évertuant à singer les scènes clés du Carpenter (le chenil, la poursuite dans les couloirs, le test ; tout y est) sans rien y avoir pigé. C’est con. Grand film paranoïaque usant des mécanismes propres à la suggestion, le traitement sursignifie ici chaque détail. Le doute n’a pas sa place, si bien que le public, clairement pris pour une truffe, se retrouve systématique avec un temps d’avance sur les péripéties projetées à l’écran puisqu’il sait précisément qui s’est fait violer l’organisme par le métamorphe belliqueux. Le fabuleux découpage du film de 1981 cède, quant à lui, sa place à du jump scare en pagaille, appuyé par un sound design des plus agressifs, artifice hasardeux – caractéristique de la prod horrifique de seconde zone aux ambitions formelles raz de bitume – bazardé à la va vite en post-prod afin de coller les miquettes au spectateur. Pas mieux du côté des CGIs. A quoi bon se la jouer rétro 80’s avec l’apparition d’un logo Universal vintage en début de première bobine si c’est pour saloper le legs d’un Rob Bottin en état de grâce (n’oublions pas Stan Winston pour la créature canine) avec une surenchère d’imagerie numérique baveuse passe-partout tout ce qu’il y a de plus dégueu ?

Glace artificielle

Au milieu de cette mélasse fadasse franchement peu ragoutante, la toujours très cute Elizabeth Winstead (Ramona Flowers) fait ce qu’elle peut tandis que Joel Edgerton fait, lui, son Kurt Russell. On le préférait torse poils à envoyer des coups de satons dans le très sympa Warrior. Les plus attentifs d’entre-vous ne manqueront pas de pointer du doigt le fait que les deux personnages principaux sont deux américains alors même que le tout se déroule dans une base norvégienne. Ha, sacré ethnocentrisme hollywoodien, va. C’est beau. Enfin, comme à un moment faut quand même faire le lien entre les deux films et assurer un semblant de cohérence à l’ensemble (alors que, bon, le truc est justement bardé d’incohérences pour quiconque a vu le Carpenter), au risque de passer pour un sacré gland, après avoir éparpillé quelques détails (la hache, la créature à deux têtes calcinée, le mec à moitié fondu sur la chaise), le Hollandais raccroche le wagon via la scène – absolument dépourvue de la moindre logique narrative – du générique de fin (le norvégien qui poursuit le chien en hélico).

Déjà fondamentalement inutile de par son seul statut de prequel – l’original n’appelant qu’à se contrefoutre des origines de la chose puisque reposant justement sur la peur de l’inconnu et fonctionnant à plein régime sur les zones d’ombres délibérément ouvertes par son récit – Matthijs van Heijningen Jr. transforme une oeuvre du panthéon cinématographique en une vulgaire et médiocre série B à destination des bacs de vidéo-clubs, pas très bien shootée, dénuée d’enjeux ou de toute réflexion philosophique et usant de piètres artifices éculés pour aborder, mais sans jamais réussir à ne serait-ce que l’effleurer, la peur primale, celle-là même qu’exsudait par tous les pores la péloche de Big John. Flop lors de sa sortie salles en 1981, The Thing avait dû attendre la VHS et la laserdisc pour réellement être réhabilité comme le chef d’oeuvre qu’il est. En sera-t-il de même pour la version 2011 ? Aucune chance, la VHS et le LD sont morts et enterrés depuis longtemps déjà… Du coup, si jamais vous voulez vous taper un hommage digne de ce nom, mieux vaut vous tourner vers l’épisode Ice d’X-files (saison 1) ou bien même encore celui de South Park Lice Capades (saison 11), avec Cartman dans le rôle de Russell. Tout de suite, ça a quand même plus de gueule.

1 Un peu opportuniste – ou juste désabusé ? – sur ce coup, Big John avait déclaré aux hurluberlus voulant remaker son film “make me rich”...

*Chronique rédigée lors de la sortie en salles
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le 18 oct. 2011

Modifiée

le 3 avr. 2013

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