Titane c’est Alexia et Vincent ou les deux pièces principales d’un puzzle qui s’assemblera dans une salle obscure. Un puzzle que l'on va reconstituer à notre manière, subjective bien sûr, en trois temps.
Dichotomie instable
Titane c’est d’abord une dichotomie appelée à se gommer au fur et à mesure de l’avancée du film. La dichotomie porte sur deux espaces et deux personnages : l’univers des salons autos où évolue Alexia (danseuse/performeuse), essentiellement féminin (mis à part les vigiles) et celui des sapeurs-pompiers, univers ici 100% masculin, où officie le commandant Vincent Legrand. À partir du moment où les deux personnages sont réunis, le film passe la troisième, et nos repères « habituels » se brouillent.
On bascule alors vers le thème de l’hybridation : Titane pioche dans différents genres cinématographiques (humour, science-fiction, drame, horreur…) pour se construire ; Alexia va se faire passer pour un garçon afin de fuir quelques cadavres et flammes qu’elle a laissés derrière elle. Plus encore, Alexia, une plaque de titane dans la tête ainsi qu’une jolie cicatrice en forme de spirale (Junji Ito je te vois…) sur le côté droit du crâne, illustre l’hybridation homme/métal et toutes les questions qui en découlent (futur de l’humanité ? Peut-on rester soi-même ? Entre la Cadillac et le camion de pompiers, qui est le meilleur coup ?).
Ankle breaker
La seconde thématique : les fausses pistes. Par ses plans, son déroulé, Titane nous laisse imaginer la suite pour mieux nous prendre à contre-pied. Par exemple, la fête du 14 juillet (je crois ?) chez les sapeurs-pompiers est construite comme un écho au salon auto que l’on voit au début du film. Alexia/Adrien y participe. Ici elle peut se faire chahuter, toucher... Les esprits sont échauffés, et Alexia est prise par deux garçons (l’un la prend par les pieds, l’autre par les épaules) et on les voit s’éloigner. On pense alors qu’ils risquent d’abuser d’elle ou autre et finalement non, ils la font monter sur un camion de pompier pour qu’il leur fasse une petite danse. Ils ne seront pas déçus…
On retrouve ces fausses pistes aussi avec le personnage de Vincent. Je pense notamment à la fin de la scène de danse avec Alexia où cette dernière tente quand même de le trucider et lui ne voit pas ou ne veut pas voir cela et maîtrise sans peine son fils… pour finalement lui dire que s’il veut partir il peut le faire.
There is nothing stronger than family
La troisième thématique c’est la famille. Les liens de sang ou le patronyme ne sont pas les seules manières pour des personnes d’être liées. La force du quotidien compte aussi. Alexia a son père et sa mère mais on ne peut pas dire que l’ambiance soit folle en famille. Les échanges sont rares, surtout avec son père, médecin. Même quand ils sont dans la même pièce, ils sont séparés, ne se parlent pas.
Vincent Legrand lui vit seul. Sa femme est partie suite à la disparition de leur fils, Adrien. Titan aux pieds d’argile, on sent que Vincent est sur le fil du rasoir et prêt à craquer, entre surdose de stéroïdes et miraculé/sauvé d’avoir retrouvé ce fils.
Par rapport à la famille sur le papier d’Alexia qui en pratique n’est pas unie, la recomposition chez les Legrand montre comment Vincent et Alexia/Adrien vont se rapprocher et prendre progressivement soin l’un de l’autre. Ici aussi les mots sont rares (Alexia ne parle pas ou peu vu qu’elle n’a pas le timbre de voix d’un homme et ne veut pas griller sa couverture) et c’est d’ailleurs un point important du film de montrer comment la relation se construit entre eux, que cela ne passe pas par des mots mais par des gestes, des regards, des attentions…
Je vous laisse le soin de conclure.
Une critique plus développée et illustrée est disponible, comme d’habitude, ici.