Euuuuh... mais quoi le phoque aurais-je envie de dire. Par quel bout prendre le machin ? Allez, partons sur le positif : le film est très beau, la photographie sert parfaitement la recherche de plans picturaux, dans un souci d'esthétisme visuel qui peut rappeler le travail de Winding Refn (quitte à en reprendre les travers de superficialité, oups, je pars déjà dans le négatif) ; et les acteurs sont splendidement impliqués dans ce qu'on leur donne à jouer, ce qui est un exploit à saluer. Pour le reste, ça coince...


En effet, Julia Ducourneau semble considérer qu'une jolie photographie et l'exploitation des gimmicks du cinéma de genre (on peut évidemment citer Cronenberg pour les angoisses corporelles, avec une note de Martyrs pour la fascination mutilatoire ; les plus tarés invoqueront Brigade Anti Sex pour la sexualité automobile) suffisent à faire un film et qu'il n'est donc pas nécessaire de penser une histoire à raconter. Le début de Titane n'a ni queue ni tête et malgré toute mon expérience en suspension d'incrédulité, qui m'a permis de tenir bon et d'accepter la proposition, j'ai vraiment trop vrillé à l'arrivée de Vincent Lindon et de ce qui va ensuite constituer le cœur du film. D'autant que pour une raison inconnue, après avoir choisi l'évanescence mystérieuse, Ducourneau se met à sur-souligner la thématique du deuil, précisant à l'excès ce qu'on avait bien compris, et fige son action dans une caserne qui ravira les fans de calendriers des Dieux du Stade en uniforme.


Résultat de ce laisser-aller scénaristique, je me suis ennuyé à plusieurs reprises car n'importe quoi pouvant se produire à tout moment, et ne percevant aucun enjeu clair, j'ai décroché. Je ne suis pas contre une expérience sensorielle mais pour que cela marche, il faut une implication émotionnelle. Or là, c'est le néant. Comment réussir à s'affilier à de tels personnages dont on ne comprend rien ? Ducourneau semble avoir envie de parler de trans-identité, du genre, d'homosexualité, du corps meurtri ou vieillissant, du deuil, mais pour en dire quoi ? Que dalle, là encore la forme prime. L'emploi de scènes à visée choquante parait forcé, histoire de conserver son étiquette genre. Sans compter que la réal semble aborder tout cela avec un sérieux papal qu'accentue une musique souvent pompeuse, au risque de franchement virer au nanar (point positif à rajouter : je me suis parfois marré ... mais était-ce voulu ?).


Je sors donc de Titane avec l'impression d'avoir assisté à un gros bis qui, se croyant plus intello qu'il n'est, n'assume pas sa nature (quelle frustration cet accouchement tant teasé !). Le film a des qualités indéniables, mais il déroule son schéma en égoïste, sans se soucier de son spectateur qu'il prend le risque de laisser sur le bas-côté. Je n'exclue pas d'être passé à côté de quelque chose, de ne pas avoir été dans le bon mood pour l'apprécier (j'y suis pourtant allé l'esprit très ouvert), et de peut-être le réévaluer différemment à distance, mais là, mon cerveau bugue à savoir que Titane a reçu la palme d'or.

Créée

le 24 juil. 2021

Critique lue 1K fois

7 j'aime

1 commentaire

Critique lue 1K fois

7
1

D'autres avis sur Titane

Titane
Wlade
2

A tout déconstruire, rien ne reste

"Merci au jury de reconnaître avec ce prix le besoin avide et viscéral qu'on a d'un monde plus inclusif et plus fluide, d'appeler pour plus de diversité dans nos expériences au cinéma et dans nos...

le 12 mai 2023

174 j'aime

16

Titane
AmarokMag
4

Metal Hurlant

Tout comme Grave, entrée en matière plus remarquée que véritablement remarquable, Titane le deuxième long métrage ultra-attendu de Julia Ducournau se faufile dans la catégorie des films “coups de...

le 18 juil. 2021

131 j'aime

8

Titane
micktaylor78
7

De la haine à l'amour

Découvrir le deuxième long métrage de Julia Ducournau tout juste auréolé de la Palme d’Or à Cannes a forcément un impact sur son visionnage et l’attente que celui-ci peut susciter. Car si on...

le 20 juil. 2021

123 j'aime

42

Du même critique

Miraculous - Le film
Pascoul_Relléguic
4

Critique de Miraculous - Le film par Pascoul Relléguic

Découvert avec ma fille en avant-première, le film s'avère rapidement déroutant avant de virer au décevant pour qui connait un tant soit peu la série originale : Miraculous the movie est en fait plus...

le 14 juin 2023

13 j'aime

The Dead Don't Die
Pascoul_Relléguic
2

Quand l'hommage vire à l'escroquerie

Au début, j'ai trouvé le film gentiment intrigant ; par la suite, j'ai ressenti ça comme sans intérêt ; à la fin, j'ai conclu à une détestable escroquerie. Jarmusch s'est contenté de fragmenter toute...

le 14 mai 2019

11 j'aime

Undone
Pascoul_Relléguic
9

La folie est parfois la meilleure manière de s'adapter à la réalité

Undone ne fait pas les grands titres et c'est bien dommage car voilà une série qui le mérite. Alma est meurtrie par la mort de son père durant son enfance et elle tente de se construire en tant...

le 19 avr. 2020

8 j'aime