Vert de contact

Les parcs sont des lieux curieux, ils ont le goût du remord. Un peu de fausse Nature au milieu de la Ville, comme pour garder toujours à portée de vue ce que les citadins ont accepté de perdre à jamais.
Les (rares) films d'Aoyama me font un peu le même effet. Cinéaste des marges, qui traverse le paysage cinématographique en ayant l'air de dire "faites comme si je n'étais pas là", il s'évertue à filmer à côté, comme pour nous montrer ce que les images ne seront jamais. En résumé : Si vous voulez de la campagne, allez à la campagne. Et quand vous allez au cinéma, ne croyez pas que vous vivez.

Koji, le jeune héros nonchalant de Tokyo Park, interpose pour sa part un appareil photo entre la vie et lui. Et c'est fou comme plus il regarde à travers l'objectif, et moins il semble voir ce qui se trame aux alentours. A part les fantômes, bien évidement. Est-ce une bonne idée dans ces conditions d'accepter la proposition d'un inconnu, de suivre une femme et son bébé à travers la ville, pour les photographier ?
Un parc, un photographe, on ne peut pas ne pas penser à Blow Up ! Mais en négatif alors (Koji d'ailleurs continue à utiliser un appareil argentique). Car ici la structure en spirale du film ne tourne pas autour d'un dévoilement, mais plutôt d'un développement. Ce qui compte, ce n'est pas ce qu'on a vu, mais le temps qu'il aura fallu pour ça.

Le temps en japonais se compose du kanji 時 (dji : l'heure) et du kanji 間 (kan : entre). Djikan… j'aime à me dire que pour les Japonais, le temps n'est pas fait de ce qu'il se passe, mais bien de ce qui passe "entre" les heures. Ce qui glisse, ce qui nous échappe, et qui pourtant, à l'arrivée, fait sens. C'est sur cette idée que s'appuie Aoyama pour construire son film, il me semble : l'important n'est pas tant l'action (ce qu'il se passe) que le contact entre les personnages (ce qu'ils se passent). Une herméneutique du silex, si l' on veut : deux cailloux posés côte à côte, quel ennui, mais frottez-les et entre les deux apparait le miracle, une étincelle.