Ce film devrait être considéré comme un élément tardif de mai 68. Une queue de comète qui est en fait l'ouverture d'une décennie de liberté et de créativité en France, avant que ne vienne s'abattre le politiquement correct, forme de censure des néo-curés de la bien-pensance et directement importé des mondes anglo-saxons, même si les cibles de Yanne n'ont rien d'original et s'inscrivent dans un champ de la dérision autorisé, pour ne pas dire obligatoire chez tous les thuriféraires des lois iniques et scélérates qui restreignent la liberté d'expression, tous les gardiens de la bienséante ironie médiatique.


Ses cibles principales se comptent au nombre de trois : la publicité (consubstantielle au mensonge), Jésus (remis au goût du jour par le love and peace ambiant) et le théâtre contemporain (pensum prétentieux qui n'intéressait personne). Et notre bon Jean Yanne, dominé tout entier par un impératif de vérité, ne peut s’empêcher d'en dénoncer les formes émergentes. Trois phénomènes encastrés dans une critique encore plus globale, qui est l'essence du film et son cadre, celle d'une radio commerciale et sa nécessaire rentabilité, minuscule branche d'un capitalisme qui paraît aujourd'hui sympathique, car à la papa et franchouillard, malgré les renvois implacables du patron Blier.


Radio Plus – Radio Plus – Radio Plus.


L'évocation d'une époque proche et lointaine, libertaire et bon enfant où des mains masculines et intempestives tapotaient les fesses d'attirantes speakerines qui pouvaient vivre comme une négligente humiliation le fait d'en être épargnées.


Petit hommage à Marina Vlady, Jacques François, Michel Serrault et surtout Daniel Prévost, l'Edouard Baer de la génération précédente, qui tous excellent et donnent du génie à un film qui sans eux aurait pris le risque d'en manquer.


Pour conclure, une comédie satirique intemporelle, qui marque le début d'une décennie de déferlement de la part de Jean Yanne, tant que le succès participera à donner vie à sa production.


Aucun chrétien ne saurait lui tenir rigueur de ridiculiser le christ, car dans un monde où la foi en sa figure s'éteint peu à peu, parler de lui est déjà une victoire, démontrant son incontournabilité.


Au milieu du film, on y voit le patron Bernard Blier assis sur un canapé bleu à franges. Mes grands-parents avaient le même. Si je doutais encore qu'ils eussent appartenu, à force de travail, à la petite bourgeoisie de leur bourgade rurale, me voilà devant un fait incontournable, passablement rassuré sur mes origines.


                        Samuel d'Halescourt

Créée

le 30 oct. 2018

Critique lue 300 fois

Critique lue 300 fois

D'autres avis sur Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil

Du même critique

La Seule Exactitude
Samueld_Halescourt
8

Un flingue avec un nœud papillon

Autant annoncer la couleur, ce livre m’a régalé. Une accumulation de courts chapitres qui traitent de l’actualité de ces deux dernières années où Finky délivre ses sublimes exaspérations, son divin...

le 10 nov. 2015

11 j'aime

1

Interventions 2020
Samueld_Halescourt
8

Compilation pour l'histoire

Outre l'arnaque d'avoir reversé dans ce volume une grande partie des précédentes interventions, on prend plaisir a redécouvrir la plupart des textes qu'on avait passablement oubliée dans l'intervalle...

le 3 mars 2021

5 j'aime

Les Portes de la perception
Samueld_Halescourt
8

L’ignoble festif a remplacé l’expérimentation scientifico-chamanique

D’abord déçu de constater que « Les portes de la perception » à proprement parler n’était en fait qu’un court texte dans un recueil qui en compte beaucoup d’autres et sur lesquels nous...

le 26 sept. 2017

5 j'aime

2