Le dispositif mis en place par Jean-Pascal Zadi et John Wax a l’intelligence de prétendre se tenir écarté du cinéma – l’amateurisme est revendiqué d’entrée de jeu par l’humoriste et les perturbations de son discours – pour mieux donner vie au cinéma par quelques séquences très réussies, à mi-chemin entre l’improvisation et le jeu d’acteurs ; et ce travail de refus du cinéma pour accéder au cinéma se retrouve dans la manière qu’a le film d’aborder le racisme contemporain, feignant de prime abord la dénonciation agressive et sans concession dudit racisme pour mieux atteindre ses racines profondes, pour mieux appuyer là où ça fait mal et soulever les paradoxes d’une pensée contestatrice trop simpliste.


Tout Simplement noir constitue donc une brillante tribune politique, quoique répétitive par moments, qui fonce tête baissée dans les travers attendus afin de les détricoter consciemment et soigneusement, à l’instar de Voltaire dans ses contes, construisant un personnage candide (tellement engagé dans sa cause qu’il développe une forme de candeur) pour amener les travers de la société à se dévoiler d’eux-mêmes, comme par réaction à une innocence première et impossible.


Le souci, c’est que le retournement dramatique, qui fait basculer à terme l’humour dans la gravité, ne réussit pas vraiment à stopper net le crescendo burlesque, de telle sorte que nous ne comprenons pas si le plaquage au sol, la projection de gaz, la violence subie s’insèrent dans le dispositif comique comme un point de non-retour au-delà duquel rire n’est plus possible, ou si tout cela perce la bulle candide pour raccorder notre antihéros à la réalité. Il y a dans cette clausule une impression de facticité et de facilité alors même qu’elle aurait dû signifier le retour à la réalité la plus terrible après une série de sketchs fort drôles. On se dit que c’est forcé, que ça tombe en deus ex machina, justifié par la seule forme du faux documentaire au cours duquel tout peut arriver. Reste une comédie futée et hilarante.

Créée

le 8 nov. 2020

Critique lue 233 fois

6 j'aime

Critique lue 233 fois

6

D'autres avis sur Tout simplement noir

Tout simplement noir
Moizi
7

Surprenamment bon

Franchement j'avais une mauvaise image du film avant d'aller le voir, notamment parce que l'affiche est juste horrible (le gars avec ses dents, c'est juste pas possible), mais il ne faut pas vendre...

le 20 sept. 2020

62 j'aime

1

Tout simplement noir
lhomme-grenouille
6

Marche en terrain miné

Il a donc fallu que ce film sorte seulement quelques semaines après la mort de George Floyd et de l’embrasement qui s’en suivit – jusqu’à chez nous – du mouvement « Black Lives Matter »… Ce n’était...

le 8 juil. 2020

59 j'aime

18

Tout simplement noir
F_b
8

Tout sauf simple

Une étonnante surprise que je m'apprêtais, à l'origine, à esquiver. Des extraits visionnés, du thème annoncé frontalement jusqu'à son titre, je sentais venir en bruit de fond un communautarisme...

Par

le 9 juil. 2020

31 j'aime

8

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

86 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

77 j'aime

14