Toy Story 4
7.1
Toy Story 4

Long-métrage d'animation de Josh Cooley (2019)

Le premier volet de la saga Toy Story proposait une aventure à l’intérieur de la maison, et exposait ses jouets aux dangers d’un environnement proche (jardin, voisinage, fast-food) ; le deuxième se lançait dans une expédition hors des frontières connues pour sauver Woody et affronter le terrible Zurg ; le troisième pastichait avec talent La Grande évasion (John Sturges, 1963) en investissant un jardin d’enfants pour mieux s’achever sur l’idée de transmission. Le quatrième volet ose emprunter une voie une fois encore différente, plus méta en quelque sorte : faire évoluer cette idée de transmission, la renverser de façon à libérer les jouets de l’emprise humaine. Ils deviennent les gardiens d’une mémoire, celle de l’enfance et des enfants qui se sont construits avec eux, qu’ils transmettent à leur tour, tels des formateurs, à d’autres jouets.

Dit autrement, nos héros mettent des jouets sans foyer au contact d’enfants, ils raccommodent, recousent et, ce faisant, se raccordent à l’essence même de l’imagination qu’incarne ici Fourchette : créer à partir de trois fois rien, en associant ce qui d’ordinaire ne saurait être associé. Nul hasard si l’intrigue principale se déroule dans une fête foraine, que le magasin d’antiquités peuplé de poupées, d’objets et d’accessoires d’un autre temps, par exemple un vieux projecteur de cinéma recouvert de poussières, se donne en théâtre des opérations. Toy Story 4 retrouve le chemin des origines de l’art, quand bien même il tirait sa naissance d’une révolution technologique. La photographie somptueuse, le travail des couleurs et des textures, la musique mélancolique de Randy Newman, tout cela souffle un air suranné qui dissone dans le paysage de l’animation contemporaine.

Il faut relier cette originalité à la question de la voix, omniprésente dans le long métrage ; la trajectoire suivie par Woody consiste, en effet, à perdre sa voix programmée pour accéder à sa voix intérieure, celle que Buzz croit entendre à tout bout de champ alors qu’il n’en est rien. Cette voix singulière, propre à chacun, qui projette le cowboy loin du sillon qu’il croyait tracé pour lui. Pas de destin ici, mais l’éloge de l’improvisation, du hasard des rencontres qui se font et se défont, à l’image de l’itinérance revendiquée par les forains qui ne seront en ville qu’une poignée d’heures avant d’en changer. Une telle trajectoire, rarement vue dans le divertissement, est prise en charge par le comique de répétition et par le décalage de situations qui résulte d’un brassage culturel : le pilote canadien lutte contre les prouesses revendiquées par son spot télévisé, la bergère a gagné en indépendance au point de perdre un bras sans paraître surprise, les deux figures d’autorité qu’étaient le cowboy et le ranger de l’espace, l’un conservateur, l’autre moderne, assistent au crépuscule de leur monde.

Toy Story 4 ne constitue donc pas le volet de trop ou de la redite ; au contraire, il ose s’aventurer sur des terres jusque-là inexplorées, au risque de déplaire aux fans en délaissant les figures iconiques de la saga. On ne peut que se réjouir d’un tel vent de fraîcheur, en pensant à ces vers d’Andrée Chedid :

« Je vais, telle est ma route

Notre pays est nulle part,

Et nous, ce peu de souffle dans la main étroite du temps. »

Créée

le 30 mai 2022

Critique lue 328 fois

11 j'aime

1 commentaire

Critique lue 328 fois

11
1

D'autres avis sur Toy Story 4

Toy Story 4
Sergent_Pepper
8

Waste Side Story

Audacieuse posture que celle de Pixar à l’égard de Toy Story, 1er long métrage d’animation de la maison devenu mascotte à maturation lente, puisque 20 séparent les numéros 2 et 4 de la saga. Alors...

le 1 juil. 2019

113 j'aime

5

Toy Story 4
AngelDeLaMuerte
5

Largué par mon jouet préféré ? Il faut sauver le soldat Fourchette.

Pourquoi j’attribue la note de 5 ? —> JE PEUX TOUT EXPLIQUER, RANGEZ LES KALACHNIKOVS. Je sors de Toy Story 4 après un revisionnage du 3. Ce Toy Story 3 qui nous avait été annoncé comme la...

le 27 juin 2019

84 j'aime

14

Toy Story 4
Tonto
9

En fin de conte

De plus en plus délaissé par Bonnie, Woody se trouve une autre mission pour continuer à être utile : veiller sur Fourchette, un jouet créé de toutes pièces par Bonnie à partir d’une fourchette en...

le 23 juin 2019

73 j'aime

8

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

86 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

77 j'aime

14