Réalisateur atypique, Alain Jessua l'est assurément. Sa trop rare filmographie peut elle aussi difficilement en attester le contraire. Adepte du film sociologique mâtiné de thriller (Armaguedon), proche de l'anticipation (Les chiens) ou de la science-fiction tel ce Traitement de choc, ce cinéaste français méconnu a su créer, en dépit ou plutôt grâce à une popularité restreinte, une oeuvre personnelle et originale loin des canons et productions en vogue dans le cinéma hexagonal des années 70.


Au bord de la dépression des suites d'une déception sentimentale, Hélène Masson (Annie Girardot) rejoint son ami Jérôme (Robert Hirsch) au prisé institut de thalassothérapie du docteur Devilers (Alain Delon) afin de suivre sa célèbre et miraculeuse cure de rajeunissement. Accueillie avec bienveillance par les curistes venus rechercher leur dose de jeunesse, la jeune femme, néanmoins sensible au charme du ténébreux (et bon) docteur, prend progressivement ses distances avec le maître des lieux et de ses ouailles ; la mort de Jérôme, les comportements étranges puis les disparitions inexpliquées du personnel de service, composé de jeunes portugais, plonge Hélène lentement vers la paranoïa et la suspicion...


Imaginé par le cinéaste lors d'un séjour dans une maison de repos en Bretagne, Traitement de choc vaut bien mieux que cette affiche datée et gentiment à côté de la plaque : une Girardot hystérique et un Delon (habituellement) renfrogné. Le long-métrage se veut en effet le portrait d'un microcosme décadent où le capitalisme dépasse le stade de l'exploitation pour s'assimiler à du cannibalisme. Le lieu, un centre de remise en forme contrôlé par un médecin omnipotent, régnant sur une communauté de nantis. Néo-gourou s'attirant les bonnes grâces de la gent féminine le soir venu, Devilers n'en reste pas moins méprisé et craint par les autochtones.


Quatre décennies passées, ce Traitement de choc en dépit d'un dénouement (très) prévisible, n'est reste pas moins un film pertinent, huis-clos et film à charge au même titre que ceux d'Yves Boisset à la même époque. Pour l'anecdote, le film fut connu pour ses scènes de nudité, le couple Girardot/Delon n'hésitant pas à tout montrer. Or ce qui pourrait apparaître facilement comme le fruit d'une libération sexuelle dans l'ère du temps est à nuancer ; la volonté de l'auteur semblait au contraire de critiquer la réappropriation de ce modèle libertaire en un individualisme perverti par le système, la société de consommation ou simplement la bourgeoisie, au-delà dès lors qu'une simple ode à la nature.


Alain Jessua tire de ce thriller fantastique une parabole sociale grinçante loin du climat morne et du racisme ordinaire de la France Pompidolienne.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2012/05/cronico-ristretto-traitement-de-choc.html

Claire-Magenta
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le 30 janv. 2013

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Claire Magenta

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