W O W , L Y N C H , W O W !
I L O V E Y O U L Y N C H ! K I S S M E ! M A R R Y M E ! R A P E M E !
h a a a a a a a a a a a a a a a a A A A A A . . .


Vous savez, je n'ai commencé à regarder Twin Peaks qu'en 2017, quelques semaines avant le début de la troisième saison, j'avais prévu de la regarder juste après les deux premières. A l'époque, je commençais tout juste à découvrir le cinéma de David Lynch et Twin Peaks m'avait vraiment servi de porte d'entrée dans son univers. Et tandis que je découvrais la série, je faisais en parallèle quelques recherches dessus. C'est là que j'ai appris que Lynch avait réalisé un film dessus... et autant dire qu'il ne m'emballait pas du tout. Déjà, c'était un préquel, qui plus est centré sur Laura Palmer, et je ne voyais absolument pas l'intérêt de raconter la fin de sa vie qui déjà me semblait très peu intéressante dans la série et ce alors que le final de la saison 2 laissait entrevoir de bien meilleures possibilités pour un film. Ensuite, ayant totalement oublié que Lynch était derrière le film, celui-ci m'apparaissait juste comme une excuse pour faire un épisode de la série étiré sur deux heures et balancé sur grand écran. Le tout me paraissait vraiment sans intérêt et je crachais à qui voulait l'entendre le profond dédain que j'avais pour ce film. Puis finalement, quand j'ai appris que le film présentait de nouveaux éléments qui allaient revenir dans la saison 3, je me suis décidé à le voir...


Eh bien franchement, j'aurais vraiment dû fermer ma gueule.


Donc le film raconte l'histoire de l'enquête du meurtre de Teresa Banks, assassinée un an avant le début de la série par un mystérieux individu. On y suit les agents du FBI Chester Desmond et Sam Stanley aller de découverte en découverte sur les habitudes peu communes de la jeune femme jusqu'à ce que finalement, l'enquête finisse par piétiner malgré l'intuition de l'agent Dale Cooper qu'un autre meurtre aura lieu. Un an plus tard, à Twin Peaks, la jeune Laura Palmer, qui ne sait pas qu'elle n'a plus qu'une semaine à vivre, sent une présence mystérieuse la surveiller, faisant plusieurs actions étranges comme lui voler des pages de son journal intime ou encore lui apparaître subrepticement, tandis que d’étranges évènements apparaissent autour d'elle, incluant notamment les apparitions d'un duo de personnages aux intentions assez flous ainsi une série de rêves particulièrement étranges. Tout cela créant une spirale d'évènements surréalistes qui atteindra son point culminant lors de la fameuse nuit où elle se fera assassiner par nulle autre que **********.


La première chose qui frappe lorsqu’on regarde le film, c'est à quel point celui-ci respire l'identité Lynchéenne. Dès les premières minutes, Lynch nous met dans l'ambiance en filmant dans le premier plan du film une télé qui se fait exploser à coups de hache et en apparaissant 5 minutes plus tard dans une scène où son personnage transmet à son subordonné un message codé de la manière la plus whathefuckesque possible et où le sens de l'un des éléments reste caché au spectateur. C'est un message qui nous est destiné, nous signalant que le Twin Peaks qu'on a connu sera là de temps à autre, mais nous apparaitra complètement différent, transformé par la vision de Lynch, celui-ci s'étant enfin libéré des limites imposées par le format télé et profitant pleinement du passage au cinéma pour placer toutes ses obsessions que la série ne lui avait pas permis de mettre.


Tout au long du film, Lynch s'amuse à jouer avec le spectateur en prenant comme base l'univers qu'il a connu pour mieux le manipuler. Il multiplie les envolées surréalistes de la série, étire la durée de certaines d'entre elles, donne à d'autres une dimension plus sporadique, voire brutale, les fait apparaître n'importe où et souvent quand le spectateur ne s'y attend pas, le meilleur exemple étant la scène avec Philippe Jeffries. Il laisse tomber les aspects comédie, drame, policier et soap-opéra ainsi que la multiplicité des points de vue qui étaient au centre de la série pour mieux se concentrer sur les personnages qui l'intéresse, à savoir Laura Palmer et son entourage, et créer autour d'eux un récit sombre et étrange. Il imagine des scènes fortes, malsaines et malaisantes qui annoncent les futurs exploits de Lost Highway et Mulholland Drive, parmi lesquelles une scène de viol incestueux extrêmement glauque, une scène de presque-orgie de 10 minutes qui suinte la luxure par tous les plans, une des scènes de flashback les plus dérangeantes que j'ai jamais vu et un final abstrait à la réalisation complètement barge. Il utilise une mise en scène folle, bien plus libre que celle de la série, à base de fondu enchaînés particulièrement élaborés, de lumières qui partent dans tous les sens et de perspectives improbables qui foutent le vertige. Il abandonne la narration plan-plan de la série ainsi que la structure en 3 actes des films classiques et profite de l'univers déjà installé pour insuffler au film une narration qui lui est propre, jouant sur les confrontations entre les différents mondes, les rêves bizarres et les différentes facettes du personnage principal, créant une narration barrée, unique, étrange, anormale, bref... Lynchéenne. La démarche va tellement loin que les rares scènes faisant écho à la série nous apparaissent parasitées, transformées par l'approche beaucoup plus crue que Lynch apporte, à base de violence explicite, de drogue et de nudité non censurées, qui vont complètement à l'encontre de ce que la série proposait et appuient totalement la démarche purement Lynchéenne du film.


C'est ça, Fire Walk With Me, un pur trip Lynchéen qui suit sa propre logique. Un film qui porte en lui toute l'envie de Lynch de prolonger cet univers qui le passionne et qui embrasse totalement son format pour créer un pur moment de cinéma. Un film qui prend son spectateur par la main et l'amène dans son monde pour le manipuler, le frapper et le violer afin qu'il ressorte bouleversé par cette expérience. Une expérience hors norme qui, comme tout bon film de Lynch, surpasse toutes les analyses que je pourrais en faire et se doit d'être pleinement vécue. Le film fait ce qu'il veut en se fichant royalement de savoir si le spectateur le suivra ou pas... et je crois bien que c'est pour ça qu'il a été aussi mal reçu par les critiques à sa sortie. Alors oui, le film va totalement à l'encontre de ce qui faisait le cœur de la série. Oui, il fait un préquel alors que les fans espéraient voir une suite. Oui, il ne va pas là où le public voudrait qu'il aille. Oui, il ne ressemble à rien de ce que l'on pourrait attendre d'une adaptation de série télé. Mais vous savez quoi ? Ce n'est pas grave, parce qu'au final, tous ces changements sont bénéfiques.


Premièrement, IL FALLAIT que le film ait une approche différente de celle de la série. Déjà parce qu'adapter une série au cinéma pour au final faire exactement la même chose qu'avant, c'est du foutage de gueule. Mais surtout parce que le manque de renouvellement était une des causes de la décadence de la série. Vers la fin, celle-ci commençait à trop se reposer sur ses acquis et s'éloignait de plus en plus de son concept en ne proposant plus qu'une pâle copie de ce qui avait son succès. Si quelqu'un voulait continuer l'histoire de Twin Peaks, il fallait qu'il propose quelque chose de neuf tout en étant en accord avec ce que la série était censée être à la base. Chose que Lynch avait très bien compris en réalisant lui-même le dernier épisode de la saison 2, qui était un énorme doigt d'honneur aux épisodes précédents et qu'il a de nouveau compris avec ce film (tout en rappelant aux fans et aux studios qui est le créateur de Twin Peaks).


Enfin, l'aspect préquel n'est en aucun cas dérangeant puisqu'il est ici très bien exploité. D'une part, il justifie le côté sombre et Lynchéen du film par le fait de se concentrer sur le personnage de Laura et sur l'univers malsain qui l'entoure. Et d'autre part, il apporte de nombreux éléments qui développent la mythologie de Twin Peaks, tel que la bague avec le symbole de hibou ou le personnage de Philip Jeffries, et en développe d'autres qui étaient sous-exploités dans la série comme Mrs Tremond et son petit-fils. Le film parvient même à éviter de tomber dans une reconstitution bête et méchante de la vie de Laura et à garder une part de mystère autour de ses derniers jours via l'introduction de tous ces éléments et via sa narration Lynchéenne.


A côté de ça, les qualités intrinsèques de la série se retrouvent dans le film. Les acteurs sont globalement très bons. Evidemment, on retient surtout Sheryl lee et Ray Wise, principalement parce qu'ils sont au centre du film mais aussi car leurs performances particulièrement dérangeantes collent à merveille au ton glauque et barré du film. Mais bien sûr, les autres acteurs s'en tirent très bien. La plupart retrouvent les personnages qu'ils maîtrisaient déjà dans la série et les reprennent sans soucis, et les nouveaux acteurs comme Chris Isaak, Kiefer Sutherland, Moira Kelly, Harry Dean Stanton ou David Bowie s'en sortent plutôt bien. La direction d'acteur est d'ailleurs toujours à cette limite du sur-jeu qu'il y avait déjà dans la série mais qui est ici suffisamment en accord avec le ton barré du film pour passer sans problème.


La musique d'Angelo Badalamenti est également très bonne. Même s'il reprend beaucoup de thèmes et de sonorités qu'il avait composées pour la série, parfois même trop, il arrive à créer de nouveaux thèmes glauques et marquants collant parfaitement à l'univers du film. Je retiens particulièrement le thème principal, dont la trompette dérangeante m'a rendu fou durant les heures qui ont suivies la première écoute, et la chanson Questions in a world of blue chantée par Julee Cruise qui en a fait pleurer plus d'un.


Donc au final, avec tant de qualité, qu'est ce qui fait défaut à ce film ? Déjà, on peut relever plusieurs incohérences et points confus par rapport à la série. Par exemple, dans la série, l'enquête effectuée par le FBI un an plus tôt semblait s'être arrêtée au meurtre de Teresa et au fait que son meurtrier avait volontairement laissé un indice concernant son identité sous son ongle. Dans le film, ils croisent énormément de choses étranges, entre la bague qui a disparu, les personnages étranges qui apparaissent çà et là, les différentes mentions aux personnages de la loge noire... Du coup, ça parait étrange que Dale Cooper paraisse aussi ignorant dans la série et qu'il ne tique pas à la mention de certains éléments. Il en va de même pour le personnage de BOB. On nous présentait dans la série comme un être qui traque et tourmente une proie choisie pendant un moment avant de la tuer. Dans le film, cet élément ne transparait presque pas et le personnage semble plus tuer par obligation parce que sinon il va être découvert que par réelle perversion. On peut aussi se plaindre d'un rythme parfois trop lent durant la première demi-heure, où les évènements ne sont pas très intéressants et mériteraient d'être raccourci.


Mais globalement, tout ça reste du chipotage. Le vrai gros problème du film, c'est qu'on est obligé d'avoir vu la série pour le voir. La principale raison étant que, déjà que le film est quasi-incompréhensible si on connait la série, il l'est encore plus si on n'y connaît rien. Mais surtout parce que le film n'hésite pas à spoiler la totalité des deux premières saisons en se fichant royalement de savoir si le spectateur les a vues ou pas. Il va même jusqu’à nous montrer frontalement et sans concession qui a tué Laura Palmer, à savoir le plus gros twist de toute la série. Donc, si vous voulez voir ce film, regardez les deux premières saisons avant. Ça vous mettra en condition et ça vous évitera de vous faire spoiler l’un des plus gros twists de l’histoire de la télévision (ma critique est disponible ici).


J’espère avoir réussi à vous faire comprendre que Fire Walk With Me est un excellent film, hélas trop sous-estimé et qui ne mérite pas toute la haine qu’il a reçu. Alors oui, c’est dommage qu’on ne sache pas ce qui arrive après la fin de la saison deux (même si on ne peut plus se plaindre de ça maintenant que la saison trois existe), et oui, le film n’est pas fidèle à la série. Mais on s’en fiche, ce n’est pas ça le plus important. Le plus important, c’est que le film soit un vrai film. Et Lynch a réussi son coup. Il y a plus de cinéma dans n’importe quelle scène de ce film que dans les trois quarts de la production hollywoodienne actuelle. Voyez-le dès que possible, mais rappelez-vous, il n'est pas accessible à tout le monde. Donc regardez les deux premières saisons de Twin Peaks... pour ensuite pour ensuite pouvoir regarder le film.


. . . A A A A A A A A A A A A A A A A A A A ! ! ! ! ! ! ! ! !
L Y N C H I S N O T W H A T H E S E E M S . . .

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le 21 juin 2018

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