Produit fétichiste à outrance puisant dans les grands noms du bis ou du sulfureux (Cruising) des années 1970, de l''underground' LGBT français, chez Dario Argento et auprès de vieilles références de l'épouvante (celles impliquant des masques ou des brûlés romantiques). Tous ces titres n'ont pas besoin d'être connus pour recevoir Un couteau dans le cœur, séance 'fantasme' aux habits de mélo, proche de l'expérimental éprouvé. Malgré ces antécédents et la relativité des surprises, le rendu général reste original, le film loufoque et bariolé sait se montrer limpide et concret.


Vanessa Paradis livre un jeu un peu surfait, plus adapté aux catégories 'arts et essai' ou aux courts-métrages qui auraient totalement sacrifié le narratif et la vraisemblance au service de la pose. D'ailleurs, s'il faut reconnaître au film d'aller au bout de son filon et de ses extravagances, on peut regretter qu'il laisse à quai tant de caractères – toute la cour et les sujets de cette productrice de cinéma porno. Car les pittoresques étaient bien là, comme ce réalisateur hautain à la sévérité 'placide' typique (Archibald Langevin) ou la vieille ouvrière Bouche d'or (suceur-réactiveur de queues).


Au lieu de développer ces personnes (comme dans Land of my dreams, plus 'effectivement vivant') Yann Gonzalez préfère exploiter un univers – avec succès mais aussi avec une superficialité assumée qui pourra lasser les non-acquis d'avance (parmi lesquels on appréciera le cameo de Mandico, auteur du film 'alter ego' de l'année : Les garçons sauvages). Souvent ces hommes ressemblent à des grands gosses aux fixations aussi insipides que rococo (120 minutes, sans l'esthétique pour agrémenter, aurait eu raison dans ses représentations ?) – c'est pourquoi Vanessa Paradis et les autres intervenantes féminines sont une bonne contribution. La trajectoire d'Anne est ambitieuse, sa traduction presque ennuyante, mais positivement – elle apporte un répit au milieu des hystéries accomplies et douceurs vaguement répugnantes (son passage avec Cathy est une déviation heureuse).


Ce n'est pas que ce film soit raté – simplement il peine à faire aimer son défilé, la faute à un éparpillement dans le genre qui ne semble servir qu'à les entacher de rêveries et de projections homosexuelles – presque toujours lubriques et quelquefois (mais pourquoi ?) parodiques (sans humour bien poussé). Les films tournés dans les studios alloués par Parèze sont à cette image : ils justifient une tournure de comédie (avec la scène du mexicain) ou laissent la fantaisie dominer (Le tueur homo – spoiler : le tueur est une [vraie] femme), toujours pour le plaisir d'un instant – à renouveler si affinités. Le plus brutal mais aussi plus abstrait Body Double avait le double de force émotionnelle (sans parler des autres signés DePalma, plus proches de leurs tristes héros) ; la connivence personnelle (sexuelle ?) n'est pas tant nécessaire chez tous les modèles et antécédents de ce Couteau dans le cœur. Enfin la pertinence de quelques trucs techniques bas-de-gamme (comme ces impressions en négatif) n'est pas évidente.


https://zogarok.wordpress.com/2019/01/11/un-couteau-dans-le-coeur/

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le 11 janv. 2019

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Zogarok

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