Rien de bien original dans cette figure de l'imposteur littéraire aux mains d'un maître chanteur bien collant. Il a tout à perdre: sa réputation factice, sa jolie fiancée, son accession inespérée à un milieu friqué qui n'est pas le sien, son éditeur protecteur, etc. Au début, tout va bien, sa petite entreprise prospère, le gars à qui il a piqué le manuscrit est mort, de toute façon, mais il se met la rate au court-bouillon tout seul, à vouloir endosser jusqu'au bout un personnage qui n'est pas lui, à souhaiter prolonger cet état de grâce usurpé. Et évidemment, tout va battre de l'aile, à cause de l'ex suspicieux de sa copine, de son éditeur pressant, de l'inspiration absente, etc. Mais ça n'est pas là vraiment l'intérêt. L'étau qui se resserre fait juste office d'hameçon à spectateur. En réalité, il s'agit d'une réflexion (un peu superficielle) sur l'imposture. Et en tirant les ficelles, on trouve du grain à moudre : en littérature, certes, mais aussi dans le cinéma (je pense à cet opulent monstre sacré incapable d'apprendre un texte et qui confesse ne rien comprendre à ce qu'il déclame platement), dans le showbiz (cet autre monstre sacré qui lit son prompteur tandis qu'une doublure assure ses performances vocales, comme chacun sait, sans que personne ne s'en émeuve), en peinture (je ne démarre même pas sur le sujet, j'ai la tension à 27...), dans le milieu professionnel (où les 'faisant fonction' sans diplôme ni compétences gagnent le double des gens qualifiés et jouent aux petits chefs caractériels...), etc. On l'aura compris, c'est l'une de mes petites marottes, et si je devais écrire un roman, ça serait probablement là-dessus et ça pèserait un bon kilo. Ça explique certainement pourquoi cette intrigue cousue de fils blancs m'a été si pénible à suivre sereinement; j'ai eu un mal fou à endosser la sympathie que l'histoire m'a extorquée pour ce blanc-bec pathétique, au fond. Je ne voulais pas du tout compatir à sa douleur parce que, dans la vie, je souhaite plutôt que les masques tombent, si bien qu'en l'occurrence, l'identification filmique m'a été un véritable hold-up. Allez, je vais me rincer les yeux avec un épisode de Colombo, ça me fera le plus grand bien de voir un arrogant se prendre le mur.