Jonathan Glazer est un peu une sorte de Michel Gondry anglais. Parcours similaire dans le milieu du clip vidéo, une imagerie particulière, des mises en scènes et montages alambiqués, une réputation grandissante, autant d’éléments qui ont mené les personnages au cinéma. Malheureusement l’un comme l’autre ont enchainé surprises et déceptions. Glazer est même resté dans l’ombre dix années, le temps de réaliser ce Under The Skin.
Pour définir rapidement Under The Skin, c’est un hold-up commercial. Qu’on ne vienne pas me parler de volonté artistique ou de performance, toute la hype a tourné autour du fait que Scarlett Johansson, actrice que la moitié des fanboys de la planète veulent voir à poil, y passe la moitié du temps partiellement ou totalement nue. Qui plus est lorsque l’on sait qui étaient les autres actrices en lice, comme par exemple Eva Green, Abbie Cornish ou encore Olivia Wilde, cela vient encore plus enfoncer ce sentiment d’enfumage (une belle ironie lorsqu’on sait que ça a été un échec commercial). Rajoutons aussi à cela le fait que le cinéma d’auteur occidental tourne inlassablement en rond (exception faite pour L’étrange couleur des larmes de ton corps, sorti aussi en salles françaises en 2014), et la nudité étant tabou dans le cinoche mainstream, tout le monde fout tout le monde à poil sous couvert de créativité — mes couilles. Glazer aurait pu avoir la délicatesse de prendre une actrice moche, comme Lars Von Trier avec son Breaking The Waves, mais non, il a préféré faire son proxo.
Mais Under The Skin c’est aussi un peu plus que cela, c’est un film qui tape là où ça fait mal, la culture du viol. En 2014 le viol c’est LOL et les statistiques révèlent une réalité que l’on préférerait ignorer. Pour critiquer Under The Skin il faut spoiler Under The Skin, c’est un fait, car le métrage est de son point A à son point Z composé de plans métaphoriques qui n’auront aucun sens pour les personnes qui ne sont pas sensibles au sujet, surtout lorsque celui-ci est axé essentiellement autour de la dépersonnalisation. Une extra-terrestre déboule sur Terre et consume les hommes qu’elle attire par ses charmes. Elle, recule dans une pièce noire, tandis que lui avance vers elle, totalement nu, et s’enfonce progressivement dans un sol semblable à des sables mouvants. La farce se répète en boucle jusqu’à sa dernière partie, où un homme tente de violer l’alien, la bat, et celle-ci perd sa peau, révélant un corps noir, puis elle tient dans ses mains le visage qu’elle portait tantôt, celui-ci est toujours animé et elle s’observe de l’extérieur. Si vous n’êtes pas trop con vous devriez commencer à saisir un peu où le réalisateur voulait en venir. Les statistiques du nombre de viols sont si élevées que même une extraterrestre en observation pourra — ou sera susceptible de — se faire violer. Certains avanceront rapidement le fait qu’elle embarque tous les mecs qu’elle croise dans son camion, mais est-ce une raison suffisante pour violer une femme ? Y’a un nombre respectable et si on le dépasse on mérite le viol ? Un autre point est soulevé juste après, le violeur, se rendant compte que c’est une alien, l’asperge d’essence et lance une allumette, faisant de lui un sauveur, puisqu’il a tué un monstre qui dévore les hommes, mais encore une fois, est-ce que cela justifie un viol ? La plupart des gens le considéreront comme un héros alors que c’est d’abord un homme qui a tenté de violer une femme avant d’être un héros, et non l’inverse. Quant au fait qu’elle s’observe ensuite de l’extérieur, c’est tout simplement ce que ressentent les victimes de viol, ayant eu le sentiment d’avoir été dépossédées de leur corps.
C’est intelligent, mais formaté de façon à ce que seul un public averti puisse le saisir, or le but est de sensibiliser les gens qui y sont étrangers, et non l’inverse. Le métrage avait en plus une arme puissante pour attirer les spectateurs, Scarlett, et ainsi faire partager une évidence au plus grand nombre, sauf que l’évidence elle l’est toute autant qu’un toit ouvrant sur un sous-marin. Non content de ne pas avoir simplifié le livre dont il l’adapte, le réalisateur se conforte dans les plans métaphoriques et autres conneries indéchiffrables afin de bien affirmer le clivage cinéphages/cinéphiles, permettant à ces derniers de pouvoir ensuite allègrement chier sur les autres. A fortiori, hormis les séquences d’absorptions des victimes le reste est laid et amateur. C’est tourné à l’épaulée sans aucune recherche au niveau des cadrages ou de la mise en scène. Ce qui est hallucinant c’est que dix années aient été nécessaires pour arriver au bout du projet, car hormis les fameuses séquences et le climax final on a vraiment l’impression que ça a été tourné en une semaine, et encore. Même la bande-originale a tendance à faire du surplace, bien qu’elle ait un effet indéniable, encore une fois, sur les séquences d’absorptions, aussi sinistres qu’hypnotisantes.
Under The Skin est le prototype même du film d’emmerdeurs qui aiment des messages simples emmitouflés sous douze couches de métaphores, quitte à ce qu’elles ne servent que peu l’intrigue, comme c’est le cas ici, ne faisant que l’handicaper. Le métrage se répète trop, patine, et si l’on prend en compte le morceau le plus long de la bande-originale, soit à peu près sept minutes, on pourrait aisément le placer sur un banc de montage et y ajouter les passages importants de l’histoire afin d’en faire ce qu’il aurait dû être, un clip vidéo, une belle preuve que Jonathan Glazer a quitté le domaine qui lui seyait le mieux.