Cela fait maintenant de nombreux mois que Luc Besson nous abreuve d’images et de plaidoyers sur ses capacités et sa volonté de réaliser en France un gigantesque blockbuster pouvant rivaliser avec les productions hollywoodiennes. 200 millions d’euros de budget, une campagne promotionnelle d’envergure, le soutien des médias, des politiques, pour concevoir ce qui serait la preuve qu’en France, nous aussi, on peut se prendre pour des américains (en restant “frenchy” bien sûr). On mettra de côté le fait que le film est porté par un casting majoritairement anglophone et que les effets spéciaux sont développés en majeure partie par des sociétés étrangères (Weta Digital et ILM), car si l’ambition est bien française, les possibilités sont nettement plus restreintes, obligeant à des concessions sur le “Made in France”. On préférera se concentrer sur le résultat final, à savoir l’adaptation d’une bande dessinée de science-fiction emblématique dont le résultat est aussi catastrophique qu’il était audacieux.
On aurait dû voir le vent tourner. Les bandes annonces nous présentaient un très bel objet, une maestria visuelle et une ambiance bon enfant, quand le reste, à savoir le récit qui rythmait cette épopée, était aux abonnés absent. Aucun doute qu’on comprend pourquoi, désormais, lorsqu’on constate que Valérian et la Cité des mille planètes est une coquille vide sans le moindre enjeux et dénué de toute consistance. Avec son couple central (dont le réalisateur n’a choisit de mettre en avant que l’homme) confronté à l’enlèvement d’un membre du gouvernement qui les amènera dans une grande aventure, Besson choisit surtout le prétexte à une grande montagne russe. Obnubilé par l’ouverture de son film au plus grand nombre, il oublie de s’adresser à un public cible, si bien que le ton général du projet sonne faux. A la fois jovial et très enfantin, semblable à Arthur et les Minimoys, mais aussi rempli de clins d'œil aux adultes de par les références multiples dont il est constitué, Valérian n’est qu’un blockbuster aux effets démesurés face à son récit plus bas que terre. Problème central du produit, la relation qu’entretient Dane DeHaan et Cara Delevingne est symptomatique d’un réalisateur empêtré dans ses clichés qu’il réutilise à l’envie depuis plus d’une décennie. Valérian est un tombeur, quand Laureline est une jeune femme qui n’attend qu’à être conquise. De là l’enjeu définitif : est-ce que Valérian et Laureline finiront ensemble ? Passant leur temps à se tourner autour, ils semblent plus intéressés par leurs affinités sexuelles que par leur mission. Vous pensiez que Besson n’avait pas été capable de faire de Lucy un personnage pertinent ? Ne comptez pas sur Laureline.
Il semblerait que Luc Besson ait oublié ce qui constituait le cœur d’un film d’une telle envergure : son univers, sa cohérence et ses personnages. Rien ne semble aller avec le reste dans ce melting-pot entre Star Wars, Star Trek et Avatar, sur lequel le spectateur n’a aucune prise. Les multiples caméos, les comic reliefs qui tombent du ciel ou encore l'incroyable lourdeur avec laquelle le film est étiré inutilement pour justifier son budget est insupportable. Sans remettre en cause le travail pharaonique - et réussi - des techniciens sur les effets spéciaux, la manière qu’à Luc Besson de les mettre en scène n’arrive jamais à rendre la chose prégnante. Les perpétuels money shots et les grands tableaux aux multiples détails n'y font rien : Valérian est un film que l’on regarde sans s'y investir parce qu’on n’arrive jamais à y croire, comme ses interprètes surjouent devant les fonds bleus qui servent aux incrustations. Trop perdu dans ses références, ses clichés et son intrigue convenue, le film ne décolle jamais, à tel point qu’il n’y a, semble-t-il, qu’une seule manière de regarder ce film : passivement, en suivant le rail établi par le manège, jusqu’à ce qu’il s’arrête avant même que l’attraction n’ait réellement commencée.