Avant d'attaquer cette critique, mettons au clair trois choses :


je n'ai que très peu lu la BD d'origine, je suis allé voir ce film comme un film et non comme une adaptation. Donc désolé pour ceux dont ça viole l'enfance et l'adolescence, c'est pas un aspect qui a joué pour moi.


Il n'y aura pas de spoiler dans cette critique parce que... ben y'a rien à spoiler. Je pourrais raconter intégralement le déroulement du film que ça changerait rien.


Je ne suis ni un anti Besson, ni un pro Besson. Pour moi Besson, c'est comme le café : soluble ou arabica, tant que le goût me plaît, je m'en cogne, j'ai autre chose à branler que de le déifier ou le vomir, j'adore Léon et le Cinquième élément, j'ai trouvé Lucy con comme une fic de collégien illettré, j'ai apprécié Angela sans en être dingue. Neutralité je suis.


En selle !



On se connaît, non ?



Au sein de la station alpha, sorte de station-planète en constante expansion regroupant des centaines de races différentes, un noyau radioactif a fait son apparition et grossit peu à peu. Les tentatives armées pour en déterminer la nature ayant échoué, le commandeur de la station semble décidé à agir plus conséquemment, notamment en utilisant une petite créature capable de reproduire les objets qu'elle absorbe, fraîchement ramené par le Major Valerian et sa coéquipière Laureline.


Je ne surprendrais personne en disant que le scénario de ce "Valerian" est ultra bateau et prévisible sur le fond, que vous pourrez deviner méchant, cause et dénouement sans avoir fait d'école de cinéma et qu' à peine le film commencé, vous connaîtrez la fin par avance. Et c'est pas grave. C'est pas grave parce que ce n'est pas ce qu'on demande à un film comme ça : on lui demande d'avoir un scénario prévisible mais qui ne soit pas bourré de trous et de surtout ne pas trop se prendre au sérieux (chose que ces petits copains hollywoodiens font un peu trop en s'imaginant que placarder un scénario générique sur une masse de pognon les autorise à péter plus haut que leur pelli-cul ou à se vouloir moralisateur). Non, dans Valerian, le tout se déroule de manière très prévisible mais extrêmement pêchue, même si on regrette un peu le laconisme avec lequel l'enjeu est traité au départ - on les sent pas vraiment angoissés d'avoir Fukushima en direct, les dirigeants d'Alpha. Mais il y a le rebond de fin où on a beau savoir ce qui va se passer, on a ce petit moment de tension. C'est pas fou mais c'est bien là.


Je gueule assez souvent sur les scénarios finis à la pisse dans les blockbusters, ça pourrait surprendre que je n'avoine pas plus celui de Valerian, assez feignant : sauf que je vois une différence entre "simple" et "simpliste", voire entre "simple" et "cliché", une différence qui se voit moins dans ce qu'on raconte que dans la manière dont on le raconte, bref, moins dans le fond que dans la forme.


Voyons la forme, donc.



Sauver l'immonde



Qu'on aime ou pas Besson, on peut pas lui nier une aptitude certaine à assurer le spectacle, que ce soit dans sa manière de filmer action et course poursuite ou dont il exploite ses décors. Et s'il a mis autant d'années à faire ce "Valerian", faute d'avancées technologiques satisfaisantes, on peut dire qu'il s'est rattrapé. Le film est un foisonnement de créatures, décors, détails et idées, posant un univers de SF très crédible et accrocheur, avec une bonne touche kitsch et colorée si chère à Besson. L'intro est à ce titre très représentative de ce qui nous attend en terme visuel et mise en scène. On traverse un bazar dimensionnel, un quartier de prostitués, les couloirs de la station spatiale, ses zones aquatiques et tout est sujet à des trouvailles (dont certaines sont sans doute issues de la BD, il n'y a pas que de l'original là-dedans). La traversée est du coup très plaisante puisque ambiance et recherche visuelle sont au rendez-vous dans ce macrocosme spatial. Les scènes d'action ne sont jamais ni brouillons ni trop longues et le film sait reprendre son souffle entre une fusillade et une course-poursuite en vaisseau pour disséminer ses détails comme on distribue des friandises. Là où je craignais que le tout devienne étouffant et tourne au catalogue de CGI, "Valerian" dose très bien ce fourmillement. On demanderait presque du rab.


Quid des personnages ? Le film a pris assez de bullshit sur la gueule pour avoir - à tort - supprimé Laureline de son titre. Et c'est d'autant plus incompréhensible qu'elle est loin d'être une silhouette effacée (et pas sexualisée, alléluia !), c'est même tout juste si elle ne pique pas la vedette à son major de coéquipier, en bottant comparativement plus de culs que lui. Et puisqu'on parlait plus haut d'originalité, cette présence très centrale de Laureline est peut-être également dû à une petite "prise de risque" : celle de faire du héros éponyme un... connard. J'ai pas d'autres mots pour définir le Valerian campé par Dan deehaan (qui fait du Dan deehaan), pétri d'ego et de suffisance, puant au dernier degré et harcelant sa coéquipière dès ses premières secondes d'apparition. Et... j'aime assez l'idée. J'aime l'idée parce que le film ne l'excuse jamais, ne trouve pas de raison particulière à son attitude et ne présente pas ça comme un trait charismatique. C'est un connard, deal with it. Un "gentil" (il est tout de même du bon côté) mais un connard, comme le lui rappelle très fréquemment Laureline, loin d'être démunie face à lui. Dans un film à gros budget, assumer l'idée qu'on puisse être un homme de bien ET un trou du cul, c'est assez rafraîchissant. Côté personnages secondaires, il y a une jolie collection d'autochtones haut en couleurs réjouissants, les militaires blasés des méthodes expéditives des héros, le méchant fort méchant (mais PRESQUE subtil dans son discours, en tout cas pour un méchant de blockbuster) avec au passage de fort sympathiques caméos qui donnent le ton, tant on sent que les acteurs se sont éclatés à camper cette faune. On est pas tout à fait dans le joyeux foutraque du Cinquième élément mais dans un registre similaire, en plus léché.


Je ne dirai pas grand chose des deux acteurs présents, vu qu'on ne leur demande pas exactement un rôle de composition et que je suis un vendu de Dan deehaan et sa tronche de merdeux souffrant de la maladie du sommeil (j'ai un problème avec les têtes à claques. Je les aime).


La musique est assez discrète (pas de gros thème musical orchestral ici) mais fait le taf et le doublage français est exemplaire - le contraire aurait été clairement du foutage de gueule. Pourtant, ce sont les réalisateurs Xavier Dolan et la chanteuse Soko qui doublent Valerian et Laureline - pas des habitués du doublage donc - et qui font du super boulot. Côté dialogue, pas de logorrhées moralisatrices ici, ni de blagues à chaque seconde de film, tout juste une petit dérapage sur l'amuuuuur histoire que le cahier des charges n'oublie pas que Valerian et Laureline sont supposés former un couple.


Et on commence à toucher ici à la partie qui ne va pas dans ce "Valerian", à savoir l'alchimie entre les personnages.



Mais où tu cours, comme ça ???



Je ne considère pas que la relation entre Laureline et Valerian soit totalement foirée ou dispensable - j'aime assez l'achimie entre eux, notamment sur le terrain - mais elle manque clairement de temps pour avoir toute sa légitimité. Elle fonctionne mais de manière un peu trop précipitée pour être totalement satisfaisante, vu qu'il s'agit ici d'expliciter comment une femme indépendante et intelligente a pu s'amouracher d'un foutu connard, qui l'aime aussi. Autant dire que même dans un blockbuster, ça demande un peu plus qu'un petit sauvetage et un discours sur la confiance.


Et c'est tout le problème du film : à être trop généreux dans sa forme, il étouffe son fond. Les personnages secondaires apparaissent de manière bien trop brève - alors qu'ils sont intéressants - notamment l'un d'eux dont la mort aurait pu être largement plus émouvante et percutante s'il n'était pas apparu dix minutes à l'écran. D'autant que ces dix minutes sont vraiment bonnes.


De la même manière, l'un des éléments centraux de l'intrigue, lié à la vision de Valerian en tout début de film, passe complètement à l'as pour être ressorti à la toute fin, alors qu'il possédait un sacré potentiel, notamment pour développer Valerian au-delà de son antipathie primaire et sa belle gueule. C'est probablement ce que j'ai trouvé le plus frustrant : que dans cette marée de bonnes idées, certaines soient balancées au fond du placard. Le film manque d'air, manque de temps et bien qu'il l'utilise au mieux, on ne peut s'empêcher de se dire que de se poser davantage - voire se faire en deux parties - aurait clairement hissé le métrage de Besson et son équipe artistique un cran au-dessus.


Parce que oui, quoique ce cher Luc ait merdouillé dans les grandes largeurs sur certains recrutements artistiques et qu'il ait dû taper quelques investisseurs étrangers, "Valerian" est le plus gros film jamais réalisé en terme de budget pour le cinéma français. Et voir que notre cinéma est capable de donner ça en matière de divertissement, ça fait sacrément plaisir malgré les défauts énoncés. Ce n'est pas parfait mais ça se tient, ça a de la gueule et plus important : ça brille d'un certain feu sacré.



C'est l'heure des comparaisons



En fait, quand je suis allé voir ce "Valerian", je n'ai pu m'empêcher de penser à l'épisode 1 de Star Wars, à cause de leurs contextes communs : des réalisateurs démiurges, à la fois adorés et honnis, qui avaient attendu après l'appareillage CGI pour pouvoir jouer avec de gros effets spéciaux et tartiner leur projet de créatures et décors que les méthodes traditionnelles ne pouvaient pas leur donner. Et vu le résultat chez Lucas, j'étais pas confiant, vraiment pas.


Et pour le coup, "Valerian" est effectivement un sacré tartinage, que je suppose relativement conforme à ce que voulait Besson (fait plutôt rare dans le cinéma de divertissement, demandez à David Ayer...) mais à l'inverse de la triste menace susnommée, il est bien réalisé, bien cadré et a ce gros supplément d'âme qui manquait sacrément à la prélogie de Lucas. On sent que l'équipe croit en ce qu'elle fait, quand bien même le résultat n'est pas nickel.


"Valerian et la Cité des mille planètes" n'est pas exempt d’écueils: trop prévisible, comportant des maladresses d'écriture très limites (Laureline qui pète des gueules à tour de bras et se fait kidnapper par deux abstentionnistes galactiques..., Valerian qui cause protocole après avoir allègrement défoncé son supérieur à coups de poing), trop précipité dans le traitement de son alléchante faune, et assez faiblard sur ses enjeux, il demeure un divertissement puissamment jouissif à mater, un microscopique coup de frais dans les blockbusters, bourré de bonnes idées et de toutes aussi bonnes intentions, même s'il ne les honore pas toutes. À la fin de la séance, j'avais qu'une seule envie : en reprendre. Et ça, ça vaut toutes les critiques du monde.

SubaruKondo
8
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le 6 août 2017

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SubaruKondo

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