Parasite, mais presque

Fort du succès du Marvel Cinematic Universe (et du DC Extended Universe dans une mesure plus nuancée), voilà-t-y pas que Sony décide de nous pondre un blockbuster sur la célèbre nemesis de Spider-Man. Aux commandes, le réalisateur du fort sympathique Bienvenue à Zombieland ; en tête d'affiche, Tom Hardy. On nous a servi une bande-annonce bien alléchante pour tous les fans du personnage ; la magie allait forcément opérer...

ELLE VA OPÉRER !!

Hein ? ... c'était quoi, ça ?! ...bon, bref. Que les choses soient claires : le film n'est pas terrible, mais il est loin d'être une sombre merde. Pourtant à repenser les cent-douze minutes visionnées plus tôt (...sérieux, presque deux heures ? Non...), j'avoue avoir du mal à en cerner les qualités, même en le comparant à ce qui s'est fait dans le même genre.

Le principal souci de Venom, ben... c'est Venom. Quand on sait que la genèse de ce personnage est très intimement lié à un arc narratif important de l'alter-ego de Peter Parker, on est en droit de se poser des questions sur la légitimité d'un tel film avec l'absence du monte-en l'air désormais propriété du MCU. Pourtant les pistes à explorer auraient pu être intéressantes : allégorie de Jekyll & Hyde pour certains, métaphore de l'addiction à la drogue pour d'autres, Venom a de quoi fasciner. Je fais d'ailleurs partie de ceux qui le considèrent comme le VRAI pire ennemi de l'homme-araignée, en lieu et place du Bouffon Vert.

Et justement : pour moi comme pour les fans de la première heure, Venom est d'abord et avant tout un vilain. Même si certains arcs narratifs ont plus tenté de faire de Eddie Brock, l'hôte du symbiote, une victime de ce dernier qu'un véritable méchant, c'est l'essence même du personnage et c'est pour ça qu'il est paradoxalement devenu attachant : parce que la menace qu'il représente pour Peter Parker est réelle, et vraiment dangereuse. Et ce film... omet Peter Parker et le côté bad guy de Venom. C'est un peu comme si un film sur le professeur Moriarty était réalisé, sans jamais y faire aucune réelle référence à Sherlock Holmes. Pas évident pour gagner le cœur du public, donc. Surtout que contre toute attente, l'interprétation de Tom Hardy est au ras des pâquerettes.

Oui, vous avez bien lu : Tom Hardy joue mal. L'acteur qui a porté sur ses épaules des films comme Bronson, Warrior, Mad Max: Fury Road ou encore The Dark Knight Rises, cabotine comme c'est pas permis dans ce rôle de journaliste tombé en disgrâce et parasité par une entité extraterrestre malveillante. Suintant de bêtise au sens propre comme au figuré, jamais sympathique avec ses réactions de connard opportuniste aux antipodes de celles d'un vrai (anti-)héros, il arrive même a mettre le spectateur mal à l'aise dans des scènes si ridicules qu'on les croirait sorties d'un film des frères Farrelly. Car si Venom suscite le rire, ça n'est jamais par son humour mais toujours par son grand-guignol totalement hors sujet.

Les défauts sont donc légions : méchant cliché et mal développé, scènes de bagarre honteusement chorégraphiées et brouillonnes (on n'est pas loin de la bouillie d'effets spéciaux rituelle à la fin d'un film du DCEU ; ..bah alors, Marvel ??), scène post-générique bien téléphonée ; je m'arrêterai sur un point qui m'a bien fait rire : le changement de classification. Réminiscence du syndrome Suicide Squad, le film avait d'abord été vendu comme un récit noir et violent à l'image de son personnage, donc restricted ; finalement les producteurs ont fait machine arrière en optant pour un classement PG-13. Manque de gonades ou volonté délibérée d'accroitre son public jeune pour rentrer dans ses frais ? Dans les deux cas, la démarche est contestable.. Tout comme le résultat.

J'AIME LES ENFANTS... VENEZ VOIR CE FILM, POUR LES ENFANTS...

Quoi ?! C'est quoi cette voix ?! Et surtout, c'est quoi cet argument de merde ? "Pour les enfants"... D'accord, le film est maintenant destiné à un public jeune. Mais NON : ça ne change RIEN à sa médiocrité. Dire que c'est pour les enfants, c'est une impasse, car justement : si c'est pour les enfants, cela devrait demander deux fois plus de soin. C'est quand même lors de notre enfance que nous sommes sensés développer nos goûts et notre esprit critique. Il y a de quoi s'insurger contre les divertissements au rabais qui prennent les gosses pour des vaches à lait en profitant du nom d'un super-vilain qui a pu les passionner. Capitaliser sur leur innocence pour faire de l'argent, bravo !

Pourtant, Venom n'en est pas à sa première tentative d'incursion dans le septième art. Cependant, quand je me souviens de sa très maladroite utilisation par Sam Raimi en 2007 dans les trente dernières minutes de son Spider-Man 3, j'en viens à reconsidérer mon point de vue et me dire que comparer à ce Venom, c'était pas si mal en fait. Vite expédié certes, mais adapté très fidèlement de la trame originale de la genèse du personnage. Et sa présence même minime avait bien plus de pertinence que l'existence de ce nouveau film où l'on assiste halluciné à un Eddie Brock donnant des leçons de conduite et de bon sens à son symbiote. Diantre...
C'est drôle à y penser. Surtout en sachant qu'à l'origine Sam Raimi ne voulait pas inclure Venom dans son film mais que la pression des producteurs insistants l'y a contraint. Parce que je suis persuadé que le manque de qualités de Venom est (en partie) causé par ces mêmes producteurs. Enfer de développement durant pendant près de dix ans, promo calamiteuse, film charcuté de quarante minutes, désaccords entre l'équipe du film et la production : les signes avant-coureurs semblaient flagrants de ce semi-naufrage.

Le concept du film était basé sur du fan service qui malheureusement, après plus de dix ans, n'a plus ni sens ni contexte. Et c'est bien de ça que Venom manque : du sens, et surtout un contexte.

FLIPPETTE !

Oh, la ferme !