« La vie ne peut être vécue qu’en allant de l’avant et comprise en revenant en arrière » de cette pensée de Douglas Kennedy, Yusuke pourrait faire sienne. Mort noyé en mer, il a effectué pendant trois un parcours hiératique de la mort et retrouve Mizuki sa veuve. Ensemble, ils décident de parcourir le Japon pour retrouver les lieux, les personnes que Yusuke a croisés dans les limbes de son périple purgatoire.


Expliqué ainsi, cela semble pesant et ennuyeux, en fait c’est l’excès contraire qui se produit à l’écran, le film est en fait très éthéré, à un point tel que l’esprit volatile, le mien pour le moins, décroche par moment, suivre d’autres pensées, d’autres défunts…
Kurosawa dépeint parfaitement le statisme et la magnificence de la situation. L’arborescence de cet amour foudroyé mais immortel entre Mizuki et Yusuke explose à l’écran par un ensemble de petites touches, mots ou gestes, mais surtout, de manière plus probante, spirituellement. Cette croisée de deux dimensions entre réel et surnaturel provoque la frustration et les ressentiments, d’un couple qui n’a pas eu suffisamment de temps de se dire « Je t’aime ».


Mais « Vers l’autre rive » va bien au-delà de la simple bluette, nous ne sommes ni dans « Ghost », moins encore dans le mélo crétin « Entre deux rives », au titre si proche. Kurosawa y apporte une mesure plus large, évoquant par-là même un Japon intemporel, entre ville et campagne, ancré entre modernité et traditions.


La vision de la mort Kazumi Yumoto auteur du livre dont le film est adapté, est celle de l’éternel regret de quitter, un monde de beauté que l’on ne soupçonnait plus. Transcendée par le lien si fort qui unit ces deux amants, la tentation est grande pour l’un comme pour l’autre de rejoindre l’autre rive.


Si l’ensemble est parfois ardu, voire aride, il touche cependant notre fibre sentimentale, réfutant par contre toute sentimentalité. Kurosawa se veut ici plus rationnel que dans son précédent opus « Real » (très similaire dans le thème) insufflant à sa mise en scène une aisance à couper le souffle qui rejaillit en somptueux éclats sur son film.

Fritz_Langueur
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le 13 oct. 2015

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