Victoria a été vendu comme un gigantesque plan-séquence imposant le choc absolu du public, comme un objet de maîtrise remarquable réinventant la modernité d'un certain Cinéma ambitieux, immersif et chébran par dessus-tout... Disons le tout de go : le nouveau film de Sebastian Schipper n'est pas le chef d'oeuvre préconisé avec autant de soin par la critique et la mouvance politique de quelques auteurs admiratifs ( Darren en tête ). Bourrées de défauts, pas forcément très bien filmées et/ou éclairées par le courageux cadreur ces 140 minutes de temps scellé souffrent d'une réalisation tout de même cruellement approximative, semblant avoir été en grande partie improvisée !
Ce sentiment d'improvisation permanente n'est du reste pas toujours un lacune rédhibitoire, permettant d'insuffler une bonne dose d'énergie et d'instinct à ce thriller situé entre loup et chien. La vertu première de Victoria tient dans son absence d'ennui, le spectateur assistant à une virée littéralement habitée par ses interprètes ( Laia Costa et Frederik Lau sont tous deux excellents, semblant croire réellement ce que vivent leur personnage...). En outre la densité dramatique proposée par Schipper rend le métrage prenant et intriguant, malgré le caractère très irréaliste de certaines situations.
En ce sens il est assez difficile de s'identifier aux personnages, leur manière d'agir s'apparentant au mieux à de l'insouciance, au pire à de l'irresponsabilité bête et méchante. Agissant sans réfléchir, ou bien au pied du mur et sans réellement recoller les morceaux Victoria et son ami Sonne n'inspirent pas forcément de sympathie ni d'attachement, en raison de leur comportement immature et condamnable. Il y a tout de même de très jolies séquences, comme cette scène d'introduction dans la boîte de nuit ou l'intermède piano joué par l'héroïne, séquences perdues dans un film totalement imparfait mais pratiquement captivant. On a vu bien mieux, mais aussi bien pire...