Ce qui est très beau, je crois et qui révèle un titre plutôt mensonger c’est qu’on n’a jamais cette sensation de conformisme dans le traitement documentaire, qui aurait imposé une lourde exhaustivité. Tavernier parle moins de l’histoire du cinéma français que de sa propre rencontre avec le cinéma français, en truffant son récit d’extraits de films, interviews et d’anecdotes en tout genre. Ainsi ouvre-t-il 3h15 de métrage avec vingt minutes consacrées à Jacques Becker. L’immense Jacques Becker. Il m’arrache les larmes quand il termine son chapitre en citant les éloges de Melville pour Le trou. C’est alors qu’il plonge sur le cas Renoir. Car les deux premiers chocs cinématographiques de Tavernier sont Dernier atout, de Becker et La grande illusion, de Renoir. Le quart de ce documentaire est donc consacré aux deux auteurs français d’avant Nouvelle vague qui me sont très chers. J’étais aux anges. Arrive alors une déclaration d’amour pour Gabin et une réhabilitation un peu forcée pour Carné. Si ces deux chapitres me touchent moins que les deux premiers, ils me permettent de voir ce qui a pu me gêner chez Gabin et me gêne toujours chez Carné. Malgré tout, Tavernier m’a donné envie de revoir Un jour se lève. Alors, l’auteur de L627, emporté par ses souvenirs, glisse et se perd, ici du côté de Maurice Joubert, compositeur de classiques comme Le quai des brumes ou L’Atalante, là dans son attachement à Eddie Constantine, notamment dans un film de Jean Sacha, puis il évoque le cinéma de Gréville. Difficile de savoir où Tavernier veut aller. C’est alors que déboule Melville, avec Bob le flambeur et Deux hommes dans Manhattan, sur lesquels Tavernier revient un peu en avouant s’être emballé à l’époque, notamment sur le second où il écrivit un élogieux texte dans un mag qui le fit rencontrer l’auteur de L’armée des ombres. Melville aura surtout offert à Tavernier son premier boulot : assistant sur Léon Morin, prêtre. De fil en aiguille, Tavernier nous emmène à Godard. Si leurs cinémas (Celui de Tavernier et celui de Godard) n’ont à priori rien en commun, il est touchant de voir l’admiration que Tavernier voue au réalisateur de Pierrot le fou. C’est alors qu’il arrive à Pierre Schoendoerffer, l’une de mes grandes découvertes de cette année, avec La 317e section (Pour lequel Tavernier aura travaillé sur la création de la bande-annonce) et Le crabe-tambour. Puis à Claude Sautet (Qui permit à Tavernier de faire sa première interview d’un cinéaste pour Classe tous risques) qu’il compare beaucoup à Jacques Becker. La boucle est joliment bouclée. Ça dure 3h15 et ça se regarde tout seul.

JanosValuska
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le 28 déc. 2017

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