Dommage qu'il soit si long, j'ai eu beaucoup de mal à adhérer...
Des ouvriers en métallurgie envoyés combattre au Vietnam. Ils font la fête dans un bon esprit de camaraderie, insouciants, seule une vague inquiétude les étreint concernant les risques de la guerre et leur avenir incertain. Puis la plongée brutale dans l’enfer et l’horreur, les cruautés inhumaines infligées aux prisonniers, traumatisant l’âme à jamais. S’ils sont revenus, leur esprit lui n’a jamais quitté la jungle. Le retour tant espéré n’est pas la source des célébrations attendues. Avant, pendant et après la guerre, telle est l’analyse de Michael Cimino.
Même si c’est un film de guerre, il n’y a quasiment pas d’affrontements ni de tueries (un argument à opposer à ceux qui sont réfractaires au genre). Il développe la psychologie des combattants, des hommes normaux, loin d’être des héros, entraînés dans des épreuves pour lesquels ils n’étaient pas préparés. En faite ce n’est pas un film de guerre, c’est un film sur la guerre, comme un documentaire qui en montre l’impact dans la vie d’hommes qui auraient très bien pu exister.
L’œuvre marqua en son temps comme « apocalypse now », les premiers films évoquant le traumatisme encore récent du Vietnam.
Néanmoins, même si le film s’avère intéressant, il se trouve aussi très long, beaucoup trop long. J’ai bien saisis ce que le réalisateur cherchait à accomplir : se concentrer sur les protagonistes, afin que l’on s’attache à eux, pour être à notre tour plonger dans l’enfer et ressentir pleinement leur souffrance. Mais était-il pour autant nécessaire de rallonger autant les parties ? Cette longueur excessive m’a empêché de pleinement m’émouvoir du drame de ces traumatisés, de vraiment m’attacher à eux. Il y a quand même beaucoup de bavardages, de scènes qui à mon avis auraient pu aisément être supprimés, le but aurait quand même été atteint avec un plus fort impact émotionnel. C’est dommage car l’effort de réalisme est visible (j’y ai notamment été sensibilisé grâce à l’introduction projetée avant la diffusion du film au pathé).
« Apocalypse now » avait lui aussi duré plus de 3H, mais il évitait l’ennui par une ambiance onirique et envoutante, « Le parrain » par son lot de personnages prenant. Kurosawa ou Sergio Leone savaient eux aussi ne pas rendre la longue durée de leur film une contrainte. Mais le parti prix de Cimino rend le rythme beaucoup trop lent et s’accommode mal d’un temps aussi long.
Je profite de cette critique pour parle de notation. 7 peut paraître une note faible étant donné le genre et l’ambition de l’œuvre, c’est quand même la même note que je donne aux films de divertissement efficaces! Mais devant l’ennui que j’ai ressentis malgré moi, le reproche de cette longueur qui n’est pas totalement justifiable, je ne peux en toute franchise mettre plus. C’est pour cette raison que des films de qualité bien différentes, de divertissement ou à portée plus artistique, se retrouvent à obtenir la même note. C’est un écueil inévitable, le divertissement efficace rencontrant le grand film pénible à regarder. Une solution pourrait consister à poser des limites (exemple tout divertissement inférieure à 7, grand film supérieur à 8), mais ce ne serait pas très satisfaisant : un bon film, même s’il s’agit d’un divertissement, mérite une bonne note, et un film qui présente quelques défauts ne mérite pas de note excellente juste parce qu’il a acquit une réputation de grand film. Il faut donc accepter l’idée que selon le genre, les notes n’ont pas du tout la même valeur, qu’un 7 à « voyage au bout de l’enfer » ne vaut pas du tout un 7 à « Thor ». Si je préférerais revoir le deuxième que le premier, je n’irais pas jusqu’à affirmer qu’il est supérieur pour autant, loin de là. Les deux n’ont tout simplement rien à voir.
C’est aussi la différence entre l’appréciation subjective et l’évaluation objective. Je reconnais objectivement que « voyage au bout de l’enfer » est un grand film, mais subjectivement je ne l’adore pas pour autant. Toutefois, je lui reproche quand même objectivement son rythme et sa longueur…
Mais malgré ces défauts que je lui trouve, le film aura quand même laissé son impact chez moi. Impossible dorénavant de ne pas penser à lui lorsqu’est évoqué le traumatisme de soldats qui rentrent de guerre. Ainsi, quand les militaires américains de « Jarhead » rentrant de la guerre du golf croisent un vétéran du Vietnam, le « héros » comprend alors que, au final, toutes les guerres sont les mêmes. Il avait lui aussi laissé son esprit là-bas, dans le sable du désert à la place de la jungle.
Et une scène m’aura tout particulièrement marqué, qui donne toute sa puissance au film. Dans la première partie on découvre que la bande de copains est adepte de la chasse. Lorsque le personnage joué par De Niro repart chasser après son retour, il se tient dans une position identique au début du film, le fusil tenant en joue un cerf. Sauf qu’il ne tire pas. Tirer avec une arme, enlever la vie, a désormais une toute autre signification. La guerre l’a changée à jamais, en profondeur. Ce qui est magnifiquement démontré par seulement ces deux scènes, aussi courtes que marquantes, enveloppés de voix de chœurs graves et profondes. Le titre anglais, « deer hunter », trouve là toute son explication.
C’est peut-être un 7, mais un grand 7, celui dont la barre horizontale tutoie les sommets.