Mother's Day

We Need to Talk About Kevin est terrifiant...

Mais loin de mettre en scène un quelconque serial killer ou un fou dangereux démonstratif, loin de faire couler le sang avec complaisance, il aborde seulement l'une de nos plus grandes peurs :

Où ai-je échoué ?
Est-il né comme cela ?
Est ce ma faute ?

Kevin n'est qu'un enfant. Seulement ?

Car Kevin semble ne jamais sourire, sauf quand il trouve un moyen de contredire sa mère, quand il la toise et la défie.Dans ses grands yeux noirs et perçants, il y a de la rancune, de la colère. Il y a aussi un vide insondable et une totale absence d'affect. L'enfant est très intelligent, à l'évidence. Mais il est aussi un monstre froid et calculateur, effrayant dans son attitude trouble, dans ses rictus glaçants.

Et toujours ses yeux sombres dans lesquels s'inscrit, le temps d'un gros plan lourd de sens, une cible. Ils remplissent l'écran, ces yeux là. De froide détermination, d'inéluctable, de drame annoncé;

On ne peut que partager l'impuissance, la peur, la tension qui s'emparent de sa mère, la magnifique Tilda Swinton. Tout en se demandant si son attitude initiale, sa patience poussée à bout par leurs pleurs inextinguibles de son fils, ses nerfs qui lâchent parfois face à l'épreuve, révélation par accident d'un amour qui fléchit, si tout cela ne serait pas la cause du mal.

Mais on ne peut que partager son dépit et sa colère intérieure, quand l'autre reste aveugle et sourd face aux évidences et la duplicité machiavélique de ce qu'il a aussi mis au monde.

Et l'on se met parfois, au cours d'une séance suffocante, à la place de cette mère. Pas pour la comprendre totalement, la juger ou la conforter dans ses doutes et ses méfiances. Mais pour s'interroger, pour se demander si on aurait fait autrement. Parce que l'amour est là, malgré tout. D'une drôle de manière, parfois. Car Tilda est souvent acculée dans ses sentiments, tandis que le film fait en sorte que l'on ressente de manière viscérale cette inquiétude face aux origines réelles ou supposées d'un mal peut être plus profond, qui ne cherchait qu'un prétexte pour surgir.

Le récit, sous la caméra de Lynne Ramsay, se déstructure comme le fait divers finit par faire imploser cette famille. Les images dérangeantes, comme cette fillette borgne, sont monnaie courante, tandis que les effets sonores désagréables parasitent parfois les quelques rares moments de répit et de joie précaire montrés à l'écran. Tout comme ces flashs constants, nimbés de rouge, ces éclaboussures, dans la vie réelle et dans les souvenirs d'un drame en incubation.

Un drame inévitable qui ne glace même pas le sang, car une heure quarante durant, We Need to Talk About Kevin le prépare en faisant évoluer un gosse d'un glauque malsain que les traits juvéniles d'Ezra Miller subliment. Car le film oppose à l'amour une absence de communication, comme un sentiment qu'il resterait un mince espoir de rédemption d'une enfance qui ne serait pas maléfique par nature, pourrie jusqu'à l'os et sombre comme l'abysse qu'il fréquente.

Voilà peut être ce qui vous attend si d'aventure vous attendez un enfant.

Behind_the_Mask, en pleine mère-ditude des choses.