We Need to Talk About Kevin par Christine Deschamps

Dire que Kevin est une crevure mettrait tout de suite un terme à la conversation que le titre promet à propos de ce charmant bambin qui semble avoir ingurgité un chili superhot dans son premier biberon et ne s'en être jamais remis. Sans éventer la fin du film, je reviendrai simplement sur la thèse intéressante de la réalisatrice, qui traque le dysfonctionnement majeur de la tête de ce petit dans sa plus tendre enfance. Une hypothèse que Le bon fils, entre autres, avait déjà évoquée : le vice, le sadisme, la fourberie, ce que certains seraient tentés d'appeler tout simplement le Mal, ne seraient pas absents de l'enfance, contrairement à ce que certains clichés laisseraient entendre. Non, tous les gosses ne suintent pas l'innocence et la naïveté, ce sont des images d’Épinal qui tombent bien vite quand on regarde les petits interagir, entre eux et avec leurs parents. Ils cèdent souvent à la tentation de la manipulation, savent instinctivement protéger leurs arrières par la dissimulation ou le mensonge, et succombent plus qu'à leur tour à l'envie de procéder à de petites expériences cruelles impliquant plus fragiles qu'eux. Évidemment, à ce jeux-là, ledit Kevin est une sorte de Kasparov précoce, une tête-à-claque finie qu'une éducation raisonnée à la finlandaise laisse en complète jachère. Cette absence de garde-fou adulte est l'un des sujets les plus brûlants de cette lente descente aux enfers, dont la structure présente deux courbes inversées : à mesure que le diabolique enfant s'enfonce dans sa méchanceté délirante, jusqu'à s'y perdre complètement, sa mère, qui a plongé dans une dépression monstre à sa naissance, apprend non pas à se reconstruire, mais à assumer ses fautes jusqu'à une sorte de martyre apaisé. On l'aura compris, cette histoire tragique n'aura pu s'écrire que grâce à la rencontre de ces caractères-là : un gamin vicieux comme une teigne, une mère hébétée et un père volontairement aveugle. Ces trois neuneus séparément inoffensifs valsent lentement une chorégraphie excessivement fluide jusqu'à un dénouement paroxystique dont on connaît l'existence, mais pas la nature, dès le début. Total, c'est assez bien fait, quand même, et suffisamment bien interprété pour soutenir l'attention jusqu'au bout malgré la lenteur un peu éprouvante de l'histoire. Et l'épilogue ouvre suffisamment de portes pour qu'on emporte un questionnement durable avec soi. Donc un film plutôt réussi, en somme...

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le 26 déc. 2018

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