En s’emparant de l’affaire DSK, Abel Ferrara navigue dans les eaux troubles de l’actualité brûlante dont il tire un brûlot audacieux mais outrancier, sans que cette outrance ne serve la monstruosité ici thématisée. La mise en place de l’intrigue fonctionne à merveille, construit lentement son piège. Là où les femmes tombent en quelques secondes, le monstre, lui, a besoin de temps. Et c’est ce temps que Ferrara capte par sa caméra fiévreuse et pourtant précise, comme émanant d’une pulsion. Le monstre prend des formes diverses, de plus en plus démesurées : d’abord un homme, un corps et ses addictions ; puis tout un système se révèle infecté. Les non-dits accumulés éclatent enfin au grand jour dans la cellule conjugale perçue comme un piège qui aurait toujours été là. Le sexe comme émancipation face à la femme tyrannique et toute-puissante, force sourde, muette, irréprochable : l’outrance sert à dénoncer l’horreur latente, jusqu’alors tapie dans l’ombre. C’est très fort. Quel était le besoin, par conséquent, d’exacerber le propos par des accusations qui, aussi fondées puissent-elles être – là n’est pas la question –, tombent de manière gratuite dans la bouche d’acteurs subitement changés en figures théâtrales ? Shakespeare semble se rejouer sous nos yeux, dans le brouillage des langues qui traduit davantage encore le clivage du couple. Le théâtre n’est pas un mal, mais se conjugue plutôt mal avec l’ambition première d’un film saisi dans le mouvement réaliste du déchirement. Welcome to New York porte sur la liberté que l’on exerce au détriment d’autrui et à des fins émancipatrices – le monstre castré reprend ses droits et ravive la fougue passée de sa jeunesse lors de ses ébats – mais s’avère incapable de prendre suffisamment de recul, donc de liberté, par rapport au sujet dont on ignore tant, et dont le film dit trop, au risque de tomber dans la provocation gratuite et malvenue.