Le Coca? Qu'est-ce que c'est? ( je suis français vous comprenez...)

J'ai une certaine sympathie pour Michael Moore. Son humour noir et sa pertinence dans le très bon "Bowling for Columbine" m'avaient beaucoup plu.
J'ai souvent entendu dire que dernièrement, y compris dans Sicko, Moore allait loin dans le bidouillage et dans la manipulation.
J'ai voulu vérifier en visionnant son dernier-né "Where to Invade Next", d'autant plus qu'ici l'idée est louable. Il s'agit de prendre des idées d'Europe (il fera aussi un petit tour en Tunisie) pour les amener aux Etats-Unis, un pays construit sur un génocide et à l'aide de l'esclavage, profondément libéral et qui contribue à la destruction des cultures,des droits et qui aboutit à l'abêtisation de la masse.
J'étais plutôt pour l'idée. Mes lectures, le visionnage de certains films et mon côté plus ou moins anti-américain primaire me donnait envie d'aimer ce film.


Malheureusement c'est fait d'une telle façon que je trouve ça juste dégoutant. Je suis écœuré par les mensonges de Moore dans son "documentaire" mais aussi la façon dont il traite les informations.


En tant que français, j'ai pu découvrir bouche bée la France selon Michael Moore. Il va dans une cantine française, où les enfants mangent tout le temps bio et équilibré, où le cuistot te raconte qu'il ne fait des frites que 2 ou 3 fois par an et où aucun gamin n'a jamais goûté au Coca Cola. Mouais. Comme il le dit lui-même : "je cueille les feuilles, pas les herbes".


Et c'est exactement cela, Moore trie et ne prend que ce qui va dans son sens. Non les cantines en France ne sont pas parfaites, Non dans certains cantines de ZEP ou même dans certaines cantines de très bons collèges et lycées (et même dans des collèges et des lycées privées) la bouffe peut ne pas être bonne et on peut te servir Burger frites une fois par semaine (là où j'étais au Lycée c'était le vendredi en général...) Et cela fait longtemps que les Etats-Unis nous vend des Litres et des Litres de Coca Cola, comme à beaucoup d'autres pays, et lorsque des jeunes en France veulent sortir entre eux ils en prendront certainement une ou deux bouteilles.


Lorsqu'on assiste à cela, difficile de croire que Moore ne dira que la vérité par la suite...Et en effet on assiste à des trucs dingues. Saviez-vous par exemple qu'en Slovénie les habitants ne connaissent pas le mot "dette"?
Ce qui m'énerve c'est qu'en soit ça part d'une bonne idée. L'école gratuite, le droit à l'avortement, le respect des gens enfermés en prison, bien sûr tout ça je suis 100% pour! Mais là c'est un film bourré de tellement de mensonges, de raccourcis faciles et d'effets de mise en scène puérils (j'y reviendrais) qu'il en devient exécrable.


Et après ça va encore plus loin, Moore se rend compte qu'aucun allemand n'a besoin d'un deuxième job pour subsister (mouais...) , mais surtout montre à quel point le devoir de mémoire est important car là bas on apprend à chaque enfant qu'il faut se fouetter pour ce que leurs grands-parents ont fait. Comprenez-moi bien, c'est important de savoir d'où l'on vient, de se rendre compte des atrocités qui ont été commises et je suis conscient que Moore dit ça parce qu'aux States il y a un tabou sur le génocide sur lequel s'est construit le pays, mais une fois que tu en es conscient et que les informations sont acquises je vois pas trop l'intérêt de te faire culpabiliser tous les jours avec ça.
Là Moore filme une scène sur de la musique larmoyante digne de la BO de la Ligne Verte, une scène où l'on voit les enfants de l'école s'imaginer ce qu'il mettrait dans leur valise si on leur disait qu'on les déportait, avec à un moment donné un ralenti en noir et blanc sur le visage d'une petite fille. Par la suite, les maîtres d'école t'expliquent que c'est pour que cela ne recommence jamais. Pardonnez-moi mais je suis sceptique.
Ce qui serait intéressant ce serait de montrer au collège "Nuit et Brouillards", de rechercher des archives. Mais là, voir des gamins poser leur iPhone dans une valise... je suis désolé mais je ne vois pas l'intérêt. Quand j'étais en CP notre maîtresse nous a demandé de fermer les yeux, debouts près de la porte, et nous a demandé d'essayer de retrouver notre chaise pour voir ce que ça faisait d'être à la place d'un aveugle. C'est un peu du même niveau vous voyez, je trouve que ça ne sert à rien.


Mais bon ...ça encore ça va, encore une fois ça part d'un bon sentiment, parce qu'après arrive l'Islande. Et devinez quoi? L'Adn des femmes est plus doux que celui des hommes...
Bon ok j'ai un peu raccourci ... je fais mon Michael Moore haha... mais en gros on t'explique que la crise de 2008 est la faute des hommes, et que ce serait du aux hormones mâles. Alors déjà, en quoi dire ce genre de trucs amène à une égalité Homme-Femme ou à un apaisement quelconque? Et puis surtout... C'est quoi ce bordel?
L'une des femmes explique que si un jour le monde doit être sauvé, ce sera forcément par une femme. Moi je suis pas contre l'idée, mais peut-on avoir des arguments? Bah non, après on passe à une suite de portraits de femmes islandaises sur fond de musique. Parce que des hommes bienveillants et magnifiques qui ont marqué l'Histoire il y en a: Gandhi, Martin Luther King ...
Quel est l'intérêt de cette soudaine opposition Homme/Femme?
Je fais parti de ces gens qui pensent qu'il y a des hommes mauvais et bons comme il y a des femmes mauvaises et fantastiques... ce ne serait donc pas ça la vérité?


Et puis là surtout je ne vois pas vraiment ce qu'il essaye d'importer aux Etats-Unis... ou alors peut-être est-ce un message pour que l'on élise Clinton (le film était sorti avant les dernières élections), et du coup c'est clairement de la manipulation.


Il y a encore 2 choses que j'aimerais dire:


-la première c'est qu'un documentaire est, si l'on croit le Larousse, un film à caractère didactique ou culturel, visant à faire connaître un pays, un peuple, un artiste, une technique. Je rajouterais que ce qui peut être sympathique lorsque l'on regarde un documentaire c'est qu'il soit partial et que le documentariste soit de bonne foi. Ici l'honnêteté est mise de côté ainsi que le travail de recherche sur le pays, et même si ça part d'une bonne intention, cela fait que le travail de Moore n'est pas vraiment acceptable.
Par exemple, un excellent documentaire sur les Etats-Unis, ce serait à mes yeux "Into the Abyss" de Werner Herzog. Herzog a beau y parlé de la peine de mort, ce ne sera jamais fait avec une mise en scène larmoyante ou avec un fond de musique, ce sera froid, clinique.


-le seconde chose, celle qui me fait le plus de peine, c'est qu'à mes yeux Moore était un ovni, une sorte de rebelle qui devait se sentir bien seul dans toute cette médiocrité là bas aux Etats-Unis. Mais au final, quand on regarde ce documentaire avec du recul, on voit bien qu'il n'y a rien de méchant, d'incisif. Cela me rappelle un peu un épisode de South Park, dans le quel on comprend que l'Amérique est scindé en deux, d'un côté les bouseux consanguins ultra-patriotes et de l'autre les progressistes qui pensent que l'Europe est le paradis, et qu'il n'y a pas vraiment de rebelles, ils cohabitent et participent tous au système américain. Si Bowling for Columbine traitait en effet d'un énorme tabou, à savoir les armes, et a clairement du déranger lors de sa sortie, je doute que celui-ci ait fait parler. Je pense qu'il a été bien accueilli par la moitié de la population américaine, et que les autres ont craché dessus sans même aller le voir, mais c'est tout. Rien n'a changé. D'autant plus que la fin est tout de même très drôle, Moore se rend compte qu'au final toutes les idées qu'il a trouvé en Europe viennent depuis le début ... des Etats-Unis!
Mais oui, les states avaient la lumière depuis le début! C'est d'ailleurs à ce moment du film qu'il y a un montage assez terrible avec le magicien d'Oz, avec Dorothy qui apprend qu'elle pouvait revenir chez elle depuis le début. Haha.


Si jamais il y a une erreur ou quelque chose qui ne va pas dans mon texte surtout dîtes le moi, je n'ai pas un point de vue fermé sur ce film, je trouve même qu'il a des bons côtés, et certains moments, comme ce père qui a perdu son gosse lors de la fusillade en Norvège mais qui reste clairement contre la peine capitale ou la jeune femme tunisienne qui t'explique que s'ouvrir à d'autres cultures serait bénéfique pour les Etats-Unis, sont vraiment justes. Mais cela reste à mes yeux le degré zéro du documentaire et je reste assez déçu. Dommage .

Créée

le 22 juil. 2017

Critique lue 294 fois

1 j'aime

2 commentaires

Critique lue 294 fois

1
2

D'autres avis sur Where to Invade Next

Where to Invade Next
GigaHeartz
1

Le Magicien d'Oz

J'ai toujours eu une certaine sympathie pour Michael Moore; de par son ton caustique, sa bonhomie naturelle et l'autocritique qu'il parvenait à faire dans ses premiers reportages. Mais là, je dois...

le 15 sept. 2016

19 j'aime

5

Where to Invade Next
Moizi
1

Gros et moche, renvoyons-le lui, ses bonnes intentions et ses mensonges chez lui... en charter...

Le problème de Moore, c'est qu'il est américain... et que forcément son "cinéma" (si on ose appeler ça comme ça) est profondément américain, avec toutes les mauvaises idées que ça implique dans...

le 28 sept. 2016

18 j'aime

6

Where to Invade Next
Kwal
7

Critique de Where to Invade Next par Kwal

Je n'avais vu que deux documentaires de Moore : "Bowling for Columbine" et "Fahrenheit 9/11" (beaucoup plus dispensable que le précédent). Le premier constat est que "Where to invade next" est...

Par

le 8 sept. 2016

12 j'aime

6

Du même critique

Valley of Love
Olivier_Kagemusha
9

La Sincérité, la pudeur et la question sans réponse

"The Unanswered Question" est une œuvre musicale de Charles Ives datant du début du siècle dernier. Le morceau débute par des cordes qui répètent une même progression de manière cyclique, sans...

le 1 août 2020

4 j'aime

6

Hors Satan
Olivier_Kagemusha
9

L'Evangile Selon Bruno Dumont

Avec Bruno Dumont, je ne vais pas faire la malin ... Je ne suis pas les films de cet auteur depuis le début de sa carrière, je l'ai découvert récemment avec le bijoux "P'tit Quinquin", et depuis...

le 27 mai 2016

4 j'aime

4

Kaamelott - Premier Volet
Olivier_Kagemusha
3

La mise en scène est facilement impressionnée en société

Alexandre Astier n'a de cesse de répéter qu'il souhaitait, et ce depuis le début, que Kaamelott ne soit pas qu'un format court à la télévision à la place de "Caméra café" ou d'"Un gars/une fille",...

le 6 août 2021

3 j'aime