La mise en scène est facilement impressionnée en société

Alexandre Astier n'a de cesse de répéter qu'il souhaitait, et ce depuis le début, que Kaamelott ne soit pas qu'un format court à la télévision à la place de "Caméra café" ou d'"Un gars/une fille", mais un vrai projet cinématographique épique, où les personnages les plus médiocres retrouveraient une dignité et une beauté dans une comédie sérieuse qui ne se contenterait pas d'être un film de sous-genre.


Et pourtant, le meilleur Astier ... est l'Astier à qui nous mettons des bâtons dans les roues.
Le meilleur Astier, c'est celui qui doit faire ses preuves dans l'austérité et la simplicité, en misant principalement sur le hors-champ et les dialogues.
Le meilleur Astier, c'est celui qui ne se laisse pas pousser des ailes sous les applaudissements d'un grand nombre de fans aveugles qui pleurent d'émotion à la moindre phrase banale qu'il sort dans une vidéo de vulgarisation sur youtube... mais ça j'en reparle à la fin.


Dans le format court des débuts, il était obligé de miser sur la simplicité et les dialogues. Certains plans de la série, impensables dans ce film "Premier volet" (car il visait un film épique et qui montre les choses), sont pourtant particulièrement malins et réussis. Il y a, par exemple, celui des chevaliers (et du Roi) qui regardent, plantés comme des pins, le combat qui se produit face à eux et que nous imaginons hors-champ à l'aide de quelques bruits et des réactions des personnages. Tout ce travail d'adaptation et ce bricolage pour faire face à une durée courte et au manque de moyens, va disparaître dans le film. Astier réalisateur vise grand, et veut montrer.


Or, pour montrer des choses, pour les faire ressentir dans un film de cinéma... il faut faire de la mise en scène.
Mais.... il ne sait pas mettre en scène.
Astier sait composer, Astier connait le théâtre et sait écrire des dialogues, des répliques cinglantes... mais il ne sait pas mettre en scène.
La preuve est qu'une scène d'Astier en plan fixe avec des personnages qui décrivent ce qu'ils voient dans un dialogue sera mieux réussie qu'une scène d'Astier qui tente de montrer de ce dont ils parlent.


Il doit passer par le dialogue, constamment.
En ce qui concerne l'action, ou ne serait-ce que des gags visuels.. il n'y a rien.


Les plans du film sont brouillons, souvent très rapprochés, comme "collés" aux visages des personnages. Le seul plan qui est intéressant est celui de Guenièvre dans sa tour, qui entend derrière la porte Arthur et Perceval arriver. Encore une fois, le hors-champ fait tout. Mais également le rythme. Là, il se permet de tirer, de faire un peu trainer la scène, que l'on puisse savourer. On entend Perceval qui tente de défoncer la porte, puis encore, puis encore, et on s'imagine le beau spectacle ridicule qu'il y a derrière, avec en prime la tête de Guenièvre qui attend.. Oui, là ça fonctionne. Le reste est haché par un montage épileptique, ou des ralentis putassiers afin d'appuyer lourdement sur le message à faire passer aux spectateurs. Certains plans sont clichés, je pense au plan "carte postale" d'Arthur et Guenièvre à la fin du film avec un paysage derrière, je pense à Arthur qui grimpe au ralenti à la tour avec du piano en fond pour rejoindre Guenièvre, je pense au combat final totalement inoffensif pour le spectateur et très (trop?) typé Star Wars..


Il y a également un sérieux problème dans le récit. Les facilités scénaristiques sont légion. Je n'en reviens toujours pas de la transition entre la scène où Arthur retire l'épée du rocher accompagné de Guenièvre et de Perceval, et la scène suivante où nous les retrouvons... dans une tente avec les Burdondes et Leodagan?? J'accepte les bras ouverts des propositions de cinéma où il y a des incohérences et des choses que nous ne pouvons expliquer, voire des choses non explicitées, à condition que la mise en scène et les idées soient au rendez-vous.. Mais là c'est tout de même très compliqué (d'autant plus qu'il n'y a pas d'idées de cinéma à se mettre sous la dent comme je l'ai dit, à part des scènes charcutées au montage et des plans clichés).
Il y a tellement de raisons de sortir du film.


Par peur de ne pas pouvoir faire tenir en 2h la reconquête du pouvoir d'Arthur, j'ai l'impression qu'Astier a coupé/passé sous silence des moments qui auraient pu être l'occasion de faire un peu de cinéma, mais aussi de susciter une émotion. Peut-être aurait-il dû se contenter de faire le premier film sur la recherche d'Arthur, ou la recherche d'Arthur + ses proches qui tentent de le convaincre de reprendre le trône.
Là tout est trop rapide, sans oublier ce qui sort de nulle part.
Je veux dire, cette envie de se suicider allongé sur sa table à la fin... mais....enfin.. qu'est-ce que ça peut apporter? En quoi cela nourrit la construction du personnage d'Arthur? Il a fallu une saison entière pour qu'ils soit poussé à bout et qu'il le fasse, puis il s'en remet, et là il redevient suicidaire vite fait à la fin, un acte plus ou moins "justifié" par un flash back qui n'apporte rien, après avoir décidé de redevenir Roi alors qu'il ne le voulait plus quelques instant avant.. puis au final c'est bon, il n'est plus suicidaire? Enfin.. c'est tordu non? Pourrions-nous nous arrêter 1 minute sur ce qui se passe dans la tête d'Arthur? Parce que franchement rien n'est clair....
Il y aussi Léodagan, l'ogre qui n'aime pas son Roi et jardine comme les "pécores", ainsi que sa femme Dame Séli, ils retrouvent leur fille. Et... rien.
C'est d'ailleurs pareil pour chaque retrouvaille avec un personnage. En gros, cela permet de cocher des cases. Nous voyons Merlin, hop c'est coché. Nous voyons Kadoc et il dit "canard", hop c'est coché. Les personnages s'empilent dans des moments beaucoup trop courts, pour dire "coucou" aux spectateurs. Comment susciter le moindre émotion?
J'ai vraiment l'impression que les personnages n'en n'ont strictement rien à branler les uns des autres.


Si..j'ai ressenti quelque chose lorsque Perceval remarque Arthur dans la cage et explique qu'il pourrait mourir sans regret car maintenant il le sait à ses côtés, mais encore une fois c'est parce qu'il s'agit d'un plan qui n'a pas été coupé au bout de 2 secondes. On a le temps de regarder Perceval, de voir ce qu'il se passe dans ses yeux.
Franchement, le type a un don, c'est d'écrire pour des comédiens qu'il connait, et il ne prend même pas la peine de les filmer jouer, de nous laisser les regarder. Pardon, mais c'est un comble non?


Pour terminer, je dirais 3 choses:
1) une note positive: la musique est très plaisante, assez "medieval fantasy" avec l'utilisation entre autres du mode dorien. C'est vraiment beau.
2) Astier a expliqué qu'il souhaitait faire un film pour le plus grand nombre, y compris ceux qui n'ont pas vu la série. Honnêtement, pour ceux qui n'ont pas vu la série, et même pire, ceux qui ne connaissent pas les personnages de la légende arthurienne, ce sera une galère monstrueuse. Il n'aime pas le Seigneur des Anneaux (il me semble qu'il l'a dit dans une interview), car trop long... c'est dommage, car il y a un truc à tirer des films de Peter Jackson: ils exposent admirablement le contexte et les personnages. Alors oui, ça prend du temps, mais c'est sans doute utile.
3) J'ai du respect pour Astier, pour ce qu'il a fait d'un format court sur M6, pour ses références à Audiard, pour sa culture concernant le théâtre, la musique etc. Mais, et je sais que c'est un point un peu polémique, les fans inconditionnels du bonhomme sont un peu exaspérants. En fait, je n'en ai aucune preuve, je n'affirme rien, je ne fais que m'interroger...mais ne seraient-ils pas un peu responsables? Quand ce monsieur, dont on sait qu'il a en effet de nombreux talents, commencent à parler de choses qu'il ne connait pas forcément, tente de jouer le "vulgarisateur" (ce qu'il n'est pas quand il ne s'agit pas d'un domaine qu'il a approfondi), quand il fait la préface du livre certifié zéro pédagogie de e-penser, quand il dit la moindre phrase sur un sujet de société ou l'éducation (en général pour dire quelque chose d'assez ordinaire, comme la flamme de Merlin.. et oui s'il n'y avait pas une petit référence ce serait tristounet) ils sont constamment là pour crier au génie. Ne se serait-il pas un peu trop senti à la hauteur, à sortir des trucs du style "à mon âge il n'y a plus de défauts, il y a des signatures" et autres affirmations de ce style?
Il y aurait pas mal de choses à dire, personnellement je me focaliserais sur un point, à savoir cette phrase que j'ai pu lire à pas mal d'endroits :
"Enfin un bon film français, c'est pas un truc de merde avec kev adams ou un truc dépressif en noir et blanc!! le niveau est relevé!".
Le cinéma français est riche.
L'histoire du cinéma français, c'est Méliès, c'est Renoir, Jean-Pierre Melleville, H-G Couzot, Varda, Maurice Pialat, Truffaut, Bresson, Godard, Resnais, Bertrand Blier et tellement d'autres...
Actuellement, le cinéma français, c'est Bonello, Sciamma, Denis, Noé ...
Pour les comédies? Bruno Dumont qui a fait un virage à 360° pour partir dans des délires tout en proposant de vrais idées de cinéma, ne serait-ce qu'avec sa série P'tit Quinquin, c'est Dupieux avec Rubber, Réalité, le Daim... c'est Antonin Peretjako avec la Loi de la Jungle..
Bref, la série tv française a été marquée par Kaamelott, ok.
mais le cinéma français? Non. En aucun cas.
Je ne dis pas ça de gaieté de coeur, j'aime beaucoup la série, mais là définitivement il n'y a rien, aucune idée.
Et je crains que pour le second ce soit la même chose (en fait, j'en suis quasiment sûr). Mais bon. Nous verrons bien..

Créée

le 6 août 2021

Critique lue 702 fois

3 j'aime

Critique lue 702 fois

3

D'autres avis sur Kaamelott - Premier Volet

Kaamelott - Premier Volet
Skorm
4

Ça va trop vite

Critique non exhaustive se focalisant surtout sur les points négatifs du film pour contre-balancer un peu la masse de gens qui disent que le film est parfait et qu'Astier est un génie du cinéma,...

le 21 juil. 2021

192 j'aime

34

Kaamelott - Premier Volet
Moizi
2

Pitié, dites-moi que c'est une caméra cachée !

Je crois que je suis dans le Truman Show et qu'on me trolle en tentant de me faire croire que quasiment tous les retours sur ce film sont positifs... Qu'est-ce-que c'est daubé... Je veux dire qu'il...

le 29 juil. 2021

171 j'aime

68

Kaamelott - Premier Volet
MrOrange
3

Sans substance

Je suis très étonné par la réception unanimement favorable de ce premier volet cinématographique de Kaamelott, car il me semble être tant un mauvais film qu'un mauvais Kaamelott. Pour le mauvais...

le 23 juil. 2021

128 j'aime

17

Du même critique

Valley of Love
Olivier_Kagemusha
9

La Sincérité, la pudeur et la question sans réponse

"The Unanswered Question" est une œuvre musicale de Charles Ives datant du début du siècle dernier. Le morceau débute par des cordes qui répètent une même progression de manière cyclique, sans...

le 1 août 2020

4 j'aime

6

Hors Satan
Olivier_Kagemusha
9

L'Evangile Selon Bruno Dumont

Avec Bruno Dumont, je ne vais pas faire la malin ... Je ne suis pas les films de cet auteur depuis le début de sa carrière, je l'ai découvert récemment avec le bijoux "P'tit Quinquin", et depuis...

le 27 mai 2016

4 j'aime

4

Kaamelott - Premier Volet
Olivier_Kagemusha
3

La mise en scène est facilement impressionnée en société

Alexandre Astier n'a de cesse de répéter qu'il souhaitait, et ce depuis le début, que Kaamelott ne soit pas qu'un format court à la télévision à la place de "Caméra café" ou d'"Un gars/une fille",...

le 6 août 2021

3 j'aime