Willow
6.9
Willow

Film de Ron Howard (1988)

George Lucas a toujours été fasciné par l'univers fantastique. Star Wars est en quelque sorte de cette trempe, mais dans l'espace. Visiblement influencé par le Seigneur des Anneaux ici, le tonton George s'invente un univers assez proche, pétri aussi des écrits de Campbell sur les récits initiatiques et le voyage du héros.


Avec Ron Howard a la manette qui pourra réaliser trente ans plus tard son propre Star Wars, Solo, nous embarquons dans une simili terre du milieu où en guise de hobbits nous avons des nains, en guise de loups de l'Isengard des chiens, en guise de trolls, des singes. Une copie en moins bien donc. Le résultat est à la fois assez bon pour l'époque et terriblement cheap, vieilli, même à côté de Star Wars qui a dix ans de plus pourtant. Mais ce n'est pas tant les effets spéciaux qui sont à blâmer (à part peut-être le monstre du château, hydre à deux têtes à l'incrustation absolument abjecte) car certains sont même des petites prouesses (les métamorphoses successives d'un animal à un autre) mais plutôt le fond de l'histoire.


L'univers proposé, s'il n'était pas sans cesse en train de copier sa source sans vergogne, est assez vide car survolé. On ne connait pas les raisons d'existences des uns et des autres. Ainsi la méchante sorcière Bavmorda (ah oui les noms des personnages sont assez nazes) du film veut tuer une future héritière de son royaume et donc une rivale, choisie par une mystérieuse prophétie. Mais voilà, on ignore à la fois l'intérêt de ce royaume qui à l'air bien morne et peuplé d'abrutis, et surtout les raisons d'une telle prophétie. La méchante est méchante, voilà tout. Et elle le restera tout le long, même confronté au parjure de sa propre fille.


Willow, notre cher héros, rabroué tout le long du film à cause de sa taille (Peck, Peck, Peck qu'on lui dit, soit minus, moineau, demi-portion) est simplement un homme bon. Le voilà qui recueille la future princesse qui a été glissée sur un radeau de fortune avant d'être capturée par la vilaine sorcière. C'est un paysan qui n'a pas envie d'aventures, tranquille dans son hameau, comme l'acariâtre Bilbo de Tolkien, même si Willow est profondément moins égoïste car père de famille et qu'il caresse le rêve de devenir un grand magicien. A la fin du film, il revient chez lui, et c'est tout. L'aventure l'a rendu sorcier, mais il n'a psychologiquement pas évolué.


Et les autres personnages sont tout autant bâclés : Matmartigan est un voleur abruti qui devient très rapidement un paladin de grande classe. Son love interest n'est autre que la fille de la sorcière qui poursuit Willow sur son destrier noir, tel les Nazgul du Seigneur des Anneaux. Mais voilà, quelques confrontation avec le beau Val Kilmer et la méchante et zélée fille devient toute gentille et trahit sa maman. Bon, l'histoire d'amour est plaisante, genre amour vache et à couteaux tirés, avec des confrontations assez drolatiques mais ça n'a aucune profondeur, contrairement à Star Wars par exemple, ou même à Indiana Jones, deux autres récits de Lucas. Dans ces derniers, les personnages se confrontent à la famille et vivent des aventures plus élaborées. Luke Skywalker, qui a un destin similaire à Willow, a de la profondeur parce qu'il est orphelin, que sa quête n'est pas tant l'aventure ou le pouvoir en soi, mais bien psychanalytique. Il faudra tuer le père, retrouver la soeur perdue, confronter une destinée. Ici, avec Willow, il n'en est rien. Tout est presque trop facile. Le voyage ici du héros, voire clairement l'odyssée puisque le film puise ainsi dans la référence antique, sont survolés.


Il y a pourtant de bonnes choses dans le film. D'abord les références à d'autres oeuvres. Oui, le film copie éhontement Le Seigneur des Anneaux, mais il puise aussi dans la Bible avec cette histoire de bébé prophétique qui fuit par le fleuve une reine-sorcière toute puissante. Il prend aussi des références à la chevalerie et aux contes médiévaux (île, repère d'une fée sur un lac) , à l'antiquité avec l'hydre. Les quelques séquences d'actions fonctionnent car elles sont bien amenées et vives, avec une grosse touche d'humour et d'exagération. Le film s'assume. Val Kilmer mène clairement la danse. La musique est également très efficace et on prend plaisir à suivre l'histoire, une aventure débridée sans autre but que l'aventure. Enfin, il y une dimension progressiste à l'oeuvre : beaucoup de personnages féminins surpuissants, les minorités opprimés ou les anciens voleurs, sont finalement les véritables héros de l'histoire. C'est un récit finalement très moderne avec des images vieillottes.


Avec cet aspect vieilli, des effets spéciaux à la réussite aléatoire, une quête débridée où il se passe beaucoup de choses, où on nous présente bien des lieux (pas toujours très originaux mais assez marquants), des personnages, Willow est un conte plus qu'une véritable odyssée, plus un Hobbit qu'un Seigneur des Anneaux mais avec moins de profondeur et surtout une patine kitsch qui en fait une sorte de nanar au budget XXL, et assumé comme tel. C'est un condensé d'aventures, volontairement allégé pour s'adresser aux plus petits, un plaisir régressif et souvenir doux de l'enfance. Nous sommes bien, finalement, dans la plus pure tradition de Disney.

Tom_Ab
6
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le 30 avr. 2020

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Tom_Ab

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