[Remarques générales. Je n'ai pas envie de juger et noter des films que je n'ai vus qu'une fois, souvent avec peu de connaissance du contexte de production. Je note donc 5 par défaut, et 10 ou 1 en cas de coup de cœur ou si le film m'a particulièrement énervé. Ma « critique » liste et analyse plutôt les éléments qui m'ont (dé)plu, interpellé, fait réfléchir, ému, etc. Attention, tout ceci sans égard pour les spoilers !]
Ce qui m'a vraiment plu dans Woman at War, outre la dimension comique qui va jusqu'au potache tout en restant surprenante (ainsi, le camouflage sous carcasse ovine), c'est son rapport à la musique. La bande musicale est interprétée par deux trio, l'un instrumental (piano/accordéon, soubassophone, batterie), l'autre vocal (chants ukrainiens) ; les musicien-ne-s, que l'on croyait off, apparaissent dans le décor scène après scène. L'effet comique finit par perdre en force mais forcer ainsi l'attention sur la musique, prendre de le temps de la mettre en scène, m'a permis de l'apprécier complètement, alors que souvent j'entends sans les écouter les musiques de film qui ne font qu'accompagner l'action. En outre, cette musique joue un rôle primordial, dans un rapport émotionnel, notamment les polyphonies slaves qui rattachent Halla (Halldóra Geirharðsdóttir) à son désir d'adoption en passe de se concrétiser. J'ai pu consacrer plus de mon attention à la musique que d'ordinaire, et ainsi me laisser durablement émouvoir par elle.
Et ce qui m'a vraiment fait réfléchir, c'est le rapport du film au politique - lequel m'a intrigué à défaut de m'enthousiasmer. Le réalisateur Benedikt Erlingsson a déclaré s'être inspiré de son passé militant sans vouloir créer un film militant ; cela correspond assez bien à mon sentiment, celui d'une thématique politique très présente y compris dans les détails de la réalisation, mais quasiment absente des discours. D'ailleurs, alors que le regard du réalisateur sur le personnage d'Halla m'a semblé tendre et bienveillant tout au long du film, j'ai trouvé que sur l'engagement d'Halla, avec ses portraits de Gandhi et King dans son salon, cette tendresse avait tendance à virer à la moquerie. Cela m'a déçu, d'autant plus que la question du sabotage me paraît cruciale à aborder aujourd'hui. Mais j'ai apprécié l'effort d'une description documentée et contemporaine de ce militantisme et des travers de nos sociétés : surveillance de masse (téléphones au congélateur, pose de caméras de surveillance), racisme (le running-gag du touriste étranger (Juan Camillo Roman Estrada)), désinformation, mobilisation de tout l'attirail répressif contre l'individu rebelle... et évidemment toute la dimension écologique.
Promouvant un cinéma pas nécessairement militant mais certainement conscient de son caractère politique, je ne sais au bout du compte pas sur quel pied danser, me demandant si Woman at war, œuvre apolitique sur un sujet politique, manifeste plutôt la banalisation de la prise de conscience de ces enjeux sociétaux, présageant la possible généralisation de la participation à ces questions, ou au contraire annonce une période dans laquelle désinformation, surveillance ou désastres écologiques seront des éléments cinématographiques récurrents admis plutôt que dénoncés.