La désobéissance civile à l’islandaise

En 1849, lorsqu’Henry David Thoreau refuse de payer ses impôts au gouvernement américain qui servent à financer une guerre contre le Mexique, il théorise et applique la notion de ‘désobéissance civile’. L’écrivain ne trouvait pas juste de se plier au règlement de son pays lorsque ce dernier se détourne de ses principaux idéaux.


C’est justement ce que je mets en œuvre notre héroïne Halla dans Woman at War, le dernier film du réalisateur islandais Benedikt Erlingsson. Cette dernière part ‘en guerre’ contre l’industrie de l’aluminium en détruisant des panneaux électriques installés dans les montagnes islandaises. Ses actions visent à détruire des constructions humaines venant elles mêmes détruire l’espace naturel qui les entoure. Halla ne veut de mal à personne, seulement à ces immenses installations sur lesquelles elle tire à l’arc dès la scène d’ouverture. Face à ces actes de désobéissance ou résistance civile, le gouvernement islandais ne tarde pas à lancer une chasse à l’homme, au détracteur (aussi appelé ‘terroriste’) afin de trouver le ou les coupables. Les choses se corsent pour Halla, et plus particulièrement lorsque sa demande d’adoption vieille de quatre ans lui est accordée…


Cette situation semble absurde : une cinquantenaire, professeur de chant et maman en devenir qui s’élève seule et anonymement contre une industrie de son pays. Et justement, Woman at War oscille entre l’absurde et le burlesque sans pour autant tourner au ridicule ni perde sa trame narrative ou bien devenir un cliché sur l’activisme écologique. En réalité, ce film est une perle inclassable. Il est certainement comique puisqu’un sourire ne quitte pas nos lèvres durant 1h41m. Pour autant, il s’agit aussi d’un drame, celui d’une femme combattant seule une industrie et, plus largement, le réchauffement climatique et les dangers encourus par nos générations et celles à venir. Et parfois, Woman at War peut aussi se rapprocher d’un film policier en jouant sur un certain suspense et des twists scénaristiques charmants.


L’atout majeur du film reste avant tout son actrice principale Halldóra Geirharðsdóttir qui crève l’écran. Et pour souligner toutes ses actions, ses prises de décisions et engagements, une fanfare islandaise et un trio de chanteuses ukrainiennes vont littéralement s’alterner à l’écran pour jouer et chanter. Ce dispositif musical participe au ton incongru du film et à nous faire sourire. Le style narratif léger de Woman ar War permet de surpasser le thème lourd qui y est abordé sans l’évincer pour autant. Il s’agit là d’un moment de cinéma singulier et explosif qu’on vous recommande !

Cinématogrill
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le 26 juil. 2018

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