Comment représenter le féminisme dans un film super héroïque ?

Ca y est, c'est enfin arrivé, un film de super héros avec un personnage principal féminin. Bon exit Catwoman et Elektra s'il vous plaît chers lecteurs, ici, l'ampleur et les enjeux de ce film ne sont pas les mêmes, déjà le succès du film l'a bien prouvé, la sortie de Wonder Woman dans son premier film solo était un événement international.
Après un Suicide Squad complètement raté à tous ses égard, le prochain film du DCEU se devait de rehausser la barre, et ce film, au vu de son contexte, ses intentions, son héros en tête d'affiche et son registre, aurait pu être (et aurait dû être...) un des meilleurs films du genre si ce n'est le meilleur (eh oui mon cher, The Dark Knight est certes indétrônable pour moi, mais j'admets qu'avec ambition et prise de risques ainsi qu'une bonne équipe, Hollywood peut faire des films encore mieux) et toute cette médiatisation portait à croire que ce film serait un succès, tant artistique que commercial.


Sur ce, visionnage. Et le film démarre bien, le début sur l'île des Amazones, on s'attache aux trois principales femmes de ce lieu (Diana, sa mère et Antiope), l'arrivée du pilote, Diana qui veut secourir le monde des hommes et qui se trouve une âme de protectrice, sa vision de l'humain et plus particulièrement du sexe fort ("les hommes ne servent qu'à la reproduction" belle tirade je trouve), son arrivée à Londres, quasiment tout dans cette première partie est bon à garder, et le film est "humain", il a des touches d'humour par ici et par là qui contribuent à la saveur de cette première partie.
Et à partir de ce chapitre où Diana fait face seule sur le front en petite jupette, le film commence à perdre de la saveur, peu à peu, il tombe dans la caricature, une parodie de ses propres intentions qui se révèlent pauvres, au final. En un peu plus d'une heure, le film va lentement mais sûrement basculer dans la bouillie visuelle, une grossièreté en CGI assez indigeste et se vautrer dans un final raté, et rejoindre son congénère où elle faisait une courte apparition sorti un an plus tôt.
Le méchant général est affreusement cliché, "bla bla bla la guerre est un dieu" et le véritable ennemi qui se montre dans toute sa splendeur à la fin du film est assez absurde.


Non je vous vois venir chers fans du professeur Lupin, alors autant poser les bases : j'adore David Thewlis, mais lui et sa moustache imposante en dieu de la guerre du panthéon grec, non, vraiment désolé je ne peux pas.


Le film, réalisé par Patty Jenkins, se "Snyderise" en gros, peu à peu au fur et à mesure que l'histoire avance et que Diana doit faire face à son destin, le côté humain présent depuis le début du film disparaît, et on finit par avoir cette conclusion un peu à la Batman v Superman, ce côté "bataille divine" au sein d'un monde humain qui est dépassé par ces êtres tous puissants.
Mais voilà que je viens, chers lecteurs qui vont me détester, au point qui selon moi, est le plus négatif du film, son héroïne, où du moins son traitement et son écriture.
Le contraste entre un monde dirigé par les hommes depuis la nuit des temps et l'héroïne, qui va jusqu'à faire un scandale auprès des dirigeants qui envoient des hommes se faire tuer, qui ne comprend pas comment les femmes peuvent se battre avec des robes pareilles est assez amusant. "Amusant" voilà le fait, il est clair comme dit plus haut que quelques touches d'humour donnent un côté humain à un film, surtout dans ce registre super héroïque où les protagonistes on quasiment un côté divin mais... L'humour doit trouver un contexte, dans le cas de la scène où Diana explique à Steve Trevor la véritable l'utilité de l'homme, où du moins ce qu'elle en a appris, la situation s'y prête, c'est drôle, et l'effet recherché est réussi, le pilote se sent mal à l'aise, et la supériorité de Wonder Woman est rehaussée d'un cran. Mais ensuite, ce genre d'humour, répété de son arrivée à Londres jusqu'à la fin du film rends la jeune héroïne naïve, et ce côté innocente et simple d'esprit est un énorme défaut, surtout dans le traitement d'une héroïne pareille, Wonder Woman, symbole de beauté, mais aussi de force de caractère, d'indépendance de la femme, à sa manière de féminisme, c'est à dire l'égalité entre les hommes et les femmes dans tous ses aspects, économiques, sociaux, juridiques, etc...


Si dans sa forme, le film est féministe (réalisé par une femme, l’héroïne est une femme, qui en plus tient toute la place sur l'affiche), dans son fond, c'est une tout autre histoire, et j'ai cru pendant un moment que cela venait de l'actrice Gal Gadot, qui n'avait pas les épaules, qui n'était pas au niveau. Il est clair que j'aurais espéré pour ce genre de film une actrice aguerrie, et non pas un ancien mannequin, ça m'aurait rassuré de savoir ce personnage entre les mains d'une comédienne plus expérimentée, car il manque tout de même ce quelque chose à Gadot, la prestance, le regard d'acier, elle n'est pas sensée représenter qu'une héroïne mais aussi un symbole, de la pop culture, de la culture américaine en général et de la puissance féminine, le "girl power". Mais au fur et à mesure que je revisionne le film, le défaut ne vient pas de l’actrice, mais du traitement de son personnage : si Wonder Woman aurait été dans son écriture moins naïve et plus forte de caractère, Gal Gadot aurait pu peut être jouer ce personnage. Et comment pouvez vous qualifier une héroïne de féministe si à chacune de ses tirades, vous vous dites "mais elle est con ou quoi ?" il est clair que le monde d'où elle vient est un havre de paix chaleureux, mais c'est aussi une contrée marquée par la guerre dans le passé, dirigée par des femmes fortes qui ont eu tout le loisir d'apprendre à Diana que l'homme est bon comme mauvais dans sa nature, et qui non seulement l'ont entraînée physiquement, mais mentalement à ce monde de furie et de violence, car même si les matriarches de l'île ne veulent pas que Diana quitte son cocon, elle reste une amazone, et les amazones, c'est des dures à cuire !


Son traitement est l'exact contraire de Ellen Ripley dans Alien par exemple, car si ce personnage incarné par Sigourney Weaver ne comprend d'abord pas la situation au sein du vaisseau Nostromo et est vite dépassée par les événements, elle finit par se battre pour rester en vie, et ce constat est encore plus amplifiée dans la suite du film de Ridley Scott, Aliens - Le Retour.
Dans Wonder Woman, l'héroïne du même nom est constamment naïve et simpliste, du début à la fin du film (son échange avec le méchant à la fin est d'ailleurs catastrophique et débordant de naïveté). Le côté divinisé pompé sur Snyder n'aide pas sur son traitement, car elle est "distante", comme effacée du reste de l'humanité, elle forme un genre d'entité caricaturale et parodique de la femme forte qui s'éloigne trop de l'humanité, libres à vous de ne pas comprendre ce que je veux dire par là mais plus simplement, Diana Prince n'est pas du tout attachante. A aucun moment on éprouve admiration, respect, pitié ou attachement émotionnel pour ce personnage. Et ce constat est d'autant plus flagrant du fait qu'il s'agit d'une femme ! Les personnages féminins, s'ils sont écrits avec finesse et richesse sentimentale, dans n'importe quel registre, sont en général plus attachantes que la gente masculine dans le milieu cinématographique.


Le côté positif de ce long métrage, c'est qu'il ne dépeint pas notre héroïne comme un fantasme, en sexualisant le personnage, non, sur ce point là, Wonder Woman n'est pas stéréotypée, elle est caricaturée certes, mais non stéréotypée. Et c'est une force dans le long métrage, oui, car si cette femme est avant tout un symbole, elle n'en reste pas moins ultra sexualisée dans les comics de base (cher fan de comics, tu dois te rappeler cette culotte avec la bannière étoilée un peu trop serrée à outrance...), et heureusement qu'on a pas eu le même traitement dans son adaptation sur grand écran.
Mais si ce film est féministe dans une certaine approche il n'en reste pas moins un pâle reflet de ses enjeux et ses promesses tellement surestimées (pour cette critique exclusivement le féminin l'emporte), surtout au vu de la médiatisation monstrueuse qu'il y a eu avant et après la sortie du film.
Je m'attendais à quelque chose de réellement centré sur le statut de la femme, sous fond de divertissement bien sûr, mais un film comme The Dark Knight nous avait déjà prouvé que l'on pouvait faire un film de super héros non pas uniquement centré sur la distraction sans prise de tête (parfois abrutissante) mais aussi une oeuvre dense avec des thématiques sociales et des enjeux humains, et j'espérais la même chose pour Wonder Woman, qui soit une éloge du féminisme et de l'égalité hommes/femmes derrière le blockbuster qui casse la baraque.
Ce film fait un peu le même effet que son cousin Man of Steel, mais sans avoir les mêmes intentions, c'est à dire qu'il ne dépeint pas la femme en être fort et indépendant en réduisant l'importance, la force ou la virilité de l'homme non, il réduit l'importance du genre humain en général, hommes et femmes confondus, face à Wonder Woman, qui est avant tout une déesse invincible non humaine, avant d'être une femme. Wonder Woman est peut être un exemple typique de femme forte et indépendante, mais elle ne représente en rien le féminisme car elle n'est pas représentative de la femme en général.


Peut être le registre du super héros au cinéma n'est il pas la toile de fond appropriée pour véhiculer le féminisme ?

Tom-Bombadil
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le 26 nov. 2017

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Tom Bombadil

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