Je vais aller droit à l’essentiel, en supputant l’évidence, à savoir que ceux qui me liront ont en gros la même culture comics et ciné que moi.
La saga du Phoenix Noir est une de plus belles de 6 décennies de comics X-Men, avec des enjeux cosmiques à la hauteur des 2 derniers films Avengers, et aussi bien sûr des enjeux humains dignes des meilleurs drames shakespeariens, avec une réflexion sur la destinée, le choix, l’amour, le sacrifice. John Byrne et Chris Claremont étaient au sommet de leur art, et il aurait fallu le meilleur Bryan Singer pour rendre enfin hommage à leur saga, après le ratage de L’Affrontement final (ou le Matthew Vaughn de First Class, pas le débile régressif de Kingsman 2). Las, le film de FGG ne lave pas l’affront de X-Men 3, pire, il répète trop souvent les mêmes erreurs. Le Phoenix Noir pourrait détruire la galaxie, mais non, il envoie en l’air quelques bagnoles de flics et explose quelques maisons pourries. L’action devrait se dérouler dans un espace flamboyant à la Star Wars, mais non, on se fighte dans une banlieue grisâtre, dans l’espace confiné d’un train. Le thème parental ? Au lieu des retrouvailles feel good aventureuses fils/père entre Cyclope et Corsaire, on a droit au deuil et à la culpabilité fille/père, sortez les violons… (y a pas un petit rôle de pleureuse à refiler à Jennifer Connelly ?) La menace alien ? Mieux vaut en rire, accumulation de clichés, absence d’explications, regards et poses de méchants de 3ème zone, je ne savais pas que la grève des scénaristes était toujours en cours. Nos héros ? Fatigués, Xavier/Mc Avoy et Magnéto/Fassbender bien en deça de leurS coolissimes prestations de X-Men First Class.
Bref, le comics proposait une saga grandiose, cosmique, épique et tragique. Rien de tout cela dans le film, trop lent, trop mou, trop fade, trop larmoyant, qui jamais n’atteint l’ampleur et les hauteurs qu’on était en droit d’attendre avec un tel matériau. Je n’ai rien contre les films ou les fins de sagas crépusculaires – voir l’excellent Logan –, mais là, c’est l’ennui et non l’émotion qui m’a submergé. Je me suis même pris à regarder ma montre pendant les scènes d’action de la fin, d’une banalité confondante. Un peu comme avec les films dédiés aux Fantastic Four, les auteurs se la sont jouée Midas à l’envers : l’or s’est transformé en plomb. Ils avaient un matériau riche et flamboyant, ils en ont fait quelque chose de terne et pesant. Une triste conclusion pour la fin des X-Men version Fox – studio à l’origine du boom Marvel avec… le tout premier X-Men, avant d’être transférés dans la grande marmite Disney.
Un brin nostalgique, je revois l’ombre du Phoenix à la fin de X-Men 2, image trouble et troublante annonciatrice du pire (pour les héros) et du meilleur (pour les spectateurs), et me prends à rêver au film que Singer en aurait fait, plutôt que de quitter l’univers des mutants pour livrer ce poussif et inutile Superman Returns (revu récemment, je confirme mon ressenti de la première vision). Au cinéma, l’histoire du Dark Phoenix restera celle d’un rendez-vous manqué, d’un fantasme de cinéphile/bédéphile inassouvi. Pour se consoler, il ne reste peut-être plus qu’à se rabattre sur le dessin animé des années 90, qui lui, était fidèle à tous les enjeux d’un scénario autrement plus brillant et ambitieux que cette décevante conclusion.