Si on croit tout d'abord revenir aux bonnes vieilles heures du premier volet, avec l'enfance de Magneto dans le ghetto juif, le contre pied est lisible assez rapidement tant Matthew Vaughn cherche évidemment, dans le ton, dans l'image, dans l'idée, une rupture avec la saga. Plus intelligent, le film est aussi plus rigoureux dans son approche et nécessite donc une lecture d'autant plus alerte. En effet, X-Men se construit par lecture croisée entre philosophie de la différence et contexte historique. En s'imbriquant de façon spectaculairement fictive dans la guerre froide du début des années 1960, il trouve le paradigme du conflit idéologique, il en saisi la phase la plus critique. Le clou du film, et l'intérêt principal est d'être arriver à intégrer les mutants dans un contexte historique passé ( jusqu'alors on parlait d'un temps présent ) en ne se contentant pas bêtement d'exploiter le péril du monde. En effet, il y a une utilisation à la fois maligne mais intéressante des mutants comme enjeu peut être, toutefois pas dans la même logique que l'enjeu Tiers Monde, en troisième voie, mais plutôt comme acteur, nouveau sujet de débat et de combat, une sorte de nouveau bloc. Les liens des mutants avec un camp ou l'autre sont assez mal exploités en comparaison à l'évolution relationnelle des mutants entre eux, ceci dit l'idée générale d'intégrer une nouvelle "masse" est bien sentie puisqu'elle ramène les hommes à leur unité face au barbare, à l'inhumain, à l'inconnu.


X-men retrouve le pessimisme de Watchmen, où l'homme ne peut s'unir que par le bas, que dans l'adversité, que face au monstre. La scène de la plage est ainsi le point culminant de ce film socio-politique, d'abord elle est la plus intense, la plus spectaculaire, mais elle est un condensé de tous ce que le film représente : le " bord du gouffre " de la Guerre Froide, que Vaughn propose ici de réécrire avec l'audace d'y intégrer la tant attendu séparation des mutants. Le duel Magneto/Charles Xavier se construit sur toute la durée du film, et concentre en lui tout le questionnement bien connu que propose traditionnellement X-men, celui du rapport aux hommes, entre les partisans de l'opposition jusqu'à l'éradication et ceux qui croient en la coexistence. Coexistence est ici un mot intéressant puisqu'il fut employé pour la première fois dans le but de qualifier le nouveau rapport entre les États Unis et L'URSS de Khrouchtchev qui après avoir dénoncé les crimes stalinien appelait à s'entendre avec le voisin. La crise des fusées à Cuba a donc un écho symbolique fort, celui de l'incapacité humaine à perdurer par la paix, l'échec de la coexistence pacifique. Le décryptage géo-politique tient tout à fait la route, bien que moins à l'aise pour en saisir l'essence comme l'a admirablement fait Watchmen, X-men s'en sert pour conter la genèse de mutants, leur premier rapport à la société, le premier rapport face à leur identité. La figure de Mystique est dans le film d'une importance prépondérante puisque l'évolution de sa perception, d'abord cristallise le problème mutant de l'acceptation physique de soi ( le cas du fauve est aussi intéressant ) et surtout la jeune femme participe à la divergence Magneto/Charles Xavier, point d'orgue et principal enjeu de ce film.

Le film bénéficie donc de plusieurs grilles de lecture, un assez bon divertissement dont on peut regretter des affaiblissements dans le rythme et une propension à la dérision qui en permettant un certain recul sur la saga, l'apparition hilarante de Wolverine, enlève aussi au film un souffle tragique -hormis l'époustouflante scène de la plage- au profit d'un charme à l'ancienne, inopérant sur l'ensemble. Le privilège accordé au contexte, à l'intégration historique désarme la qualité intrinsèque du film, trop collé à son époque pour convaincre totalement. On aurait pu espérer que Vaughn parvienne à concilier son style décalé, juvénile avec un film de super héros plus rude, plus noir qui ne s'arrête pas à la vision adolescente d'un thème bien plus grave qu'il n'y parait. Sans lui reprocher de ne pas être le torturé Watchmen, on peut accuser l'évacuation de la noirceur du propos par une nonchalance bon-enfant qui faute d'ouvrir la voie à une interprétation plus détendue se trouve être gênante voire handicapante.
Heisenberg
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le 19 juil. 2011

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