Across a universe without The Beatles...

Imaginez un monde où aucune merveilleuse note de "Yesterday", "Hey Jude" ou encore "All you need is love" ne serait jamais parvenue à nos oreilles ? Un monde où leurs créateurs bien connus ne se seraient jamais réunis en 1960 à Liverpool pour devenir un des groupes qui allait à jamais bouleverser les charts du monde entier ? Un monde où le nom "les Beatles" n'évoquerait au mieux qu'un "beetle", un scarabée en anglais ? Avouez que ce monde serait un peu plus triste que celui dans lequel on vit aujourd'hui même si on en n'aurait pas forcément pas conscience...


Après avoir été renversé par un bus pendant un étrange phénomène, Jack Malik, un gentil loser sur le point d'abandonner ses ambitions musicales faute de succès, se réveille justement dans cette réalité alternée où les noms de Paul McCartney et John Lennon sont inconnus de tous les moteurs de recherche de la Terre. Seul à se souvenir des compositions de ce groupe de génie qui a bercé (et berce) des générations entières, il décide de se les réapproprier pour entamer une carrière de star international...


Plus qu'une comparaison facile avec le "Jean-Philippe" de Laurent Tuel à cause d'un concept similaire tournant autour d'une vedette incontournable, "Yesterday" est surtout la nouvelle utilisation d'un "what if..." de grande ampleur, la création d'un monde alternatif forcément fascinant par l'absence d'une donne essentielle et commune à toi. Ce qui éloigne d'ailleurs encore un peu plus "Yesterday" de son lointain cousin français, c'est le comportement que va adopter son héros fasse à cette situation extraordinaire. En tant que musicien anglais possédant une riche culture en ce domaine, Jack Malik aime évidemment les Beatles mais le fait de réaliser leur soudaine absence de la mémoire collective va d'abord devenir pour lui une opportunité de s'échapper de sa condition d'artiste raté et d'enfin avoir la reconnaissance qu'il pense mériter à travers leurs morceaux les plus célèbres. Bien entendu, le film va le voir peu à peu tutoyer les sommets avant que le revers de la pièce de son ascension imméritée vienne le frapper de plein fouet pour lui faire reconnaître sa faute. De ce seul point de vue, le déroulement de "Yesterday" est schématiquement très classique, de même que l'histoire d'amour réunissant le héros et sa meilleure amie d'enfance, Ellie, qui n'a jamais cessé d'encourager sa vocation artistique, les rebondissements autour des mauvais timing de leur relation pourront même paraître un peu tirés par les cheveux dans le but d'étirer leur romance sur l'ensemble du parcours de star de Jack. Si l'on s'en tenait simplement à cela, au-delà de son idée de départ géniale, "Yesterday" n'aurait finalement que peu d'arguments pour créer la surprise... Mais c'était bien vite oublier les forces en présence chargés de nous raconter cette renaissance des Beatles par l'intermédiaire d'un employé de grand surface...


Un nom déjà suffit déjà nous enthousiasmer, celui de Richard Curtis, le pape incontournable de la comédie romantique anglaise ! Avec lui, le scénario de "Yesterday" qui aurait pu très vite se réduire à son seul postulat de départ va révéler tout autant le savoir-faire du maître pour nous rappeler l'essence même d'un feel-good movie qu'un potentiel insoupçonné en termes d'univers.
Alors, oui, tous les standards bien connus que Curtis a maintes fois utilisés au cours de sa filmographie romantique sont bien là mais, bon sang, le brio avec lesquels ils les utilisent nous font assez vite nous rappeler pourquoi ce maître du genre nous avait tant manqué depuis "Il Était Temps". De la générosité en seconds rôles géniaux (les parents, le meilleur pote dilettant, le collaborateur niais, l'agent cynique et... Ed Sheeran) à cet humour british ravageur en passant par ce souffle romantique capable de nous faire basculer d'une émotion à une autre par un simple échange de son couple, le travail d'orfèvre de Curtis pour nous coller des sourires jusqu'aux oreilles fonctionne du feu de Dieu ! Pour peu que l'on soit déjà fan du travail du bonhomme, c'est un véritable bonheur de retrouver sa patte qualitative en permanence à l'écran. Et, même si, comme on l'a déjà évoqué, l'histoire d'amour centrale au cœur des événements est sans doute un peu trop facilement alambiquée, croyez-nous, elle parviendra forcément à vous emporter avec elle à un moment ou à un autre !
Ensuite, si vous pensiez que le film allait juste s'arrêter à son idée d'une disparition des Beatles dans les mémoires, vous vous fourriez le doigt dans l'oeil jusqu'à vous transpercer l'arrière du crâne ! Non seulement, Curtis ne va cesser d'explorer les conséquences de cette inexplicable disparition en enrichissant le concept d'une foule d'idées géniales tantôt à vocation humoristique, tantôt dans le but de multiplier les épreuves sur la route d'apprentissage personnel de Jack (le point d'orgue en sera une apparition complètement inattendue et dont on s'amusera à reconnaître l'acteur qui lui prête ses traits) mais il va aussi s'en servir pour poser d'intéressantes interrogations sur le fait de savoir si les chansons des Beatles auraient oui ou non le même retentissement dans notre société actuelle. L'aura des titres fonctionnerait bien sûr, il suffit de voir la brillante séquence autour de l'impact de "Yesterday" sur le groupe d'amis de Jack lorsque ce dernier l'interprète encore innocemment, mais, pour les faire connaître et aimer du public, ce "faussaire de morceaux" va connaître de multiples problèmes à travers le manque de confiance de certains de ses proches sur ses aspirations et une industrie musicale contemporaine toujours plus prompte à marketer un produit pour le plus grand nombre plutôt que de favoriser la création artistique (la scène de la réunion sur l'album et ses références est un régal absolu !).
Bref, avec Richard Curtis aux manettes du scénario, "Yesterday" se permet de toujours aller au-delà de nos espérances en de multiples points, bien aidé par un Danny Boyle que l'on n'attendait pas forcément ici...


Ben oui, le réalisateur écossais a toujours eu une filmographie éclectique et une œuvre comme "Slumdog Millionnaire" témoignait déjà (entre autres) d'un véritable talent de conteur en matière de feel-good movie mais le voir s'allier au roi de la romcom anglaise était tout de même une donne assez étonnante au point de nous faire hausser un sourcil de doute... Que nenni ! Boyle répond bien présent et apporte toute son énergie pour répondre et fusionner à celle du script. La complémentarité du tandem Boyle/Curtis apparaît même immédiatement assez logique dans la manière de nous immerger dans ce petit groupe de personnages anglais pas forcément au plus haut de l'échelle sociale mais dont les caractères tout aussi naïfs que drôles leur permettent d'affronter les obstacles sans broncher. Mieux, quand la spirale de gloire fait voler les rêves de Jack dans tous les sens, Boyle emploie tout son talent à nous faire ressentir les étoiles qui animent les yeux du chanteur mais aussi ses peurs devant un monstre qui le dépasse et menace de l'engouffrer avec lui, on sera ainsi placer dans l'esprit du héros le temps de quelques séquences montées en dehors de la réalité et toujours inventives où Jack verra défiler l'énormité de ce succès impossible à gérer. Et, que cela soit en matière d'humour ou de romance, Danny Boyle trouvera toujours le parfait dosage de rythme pour que les différentes tonalités du film restent en osmose jusqu'à son terme. D'ailleurs, pris indépendamment, les hauts et les bas de la relation entre Jack et Ellie seront des espèces de petites merveilles de balancements entre la sobriété des non-dits sentimentaux d'une vie et la fougue romanesque d'un amour prêt à prendre son envol (la soirée de retrouvailles entre ces deux âmes-soeurs sera en elle-même un petit bijou). Si cette composante du film est peut-être la plus faible et attendu, autant dire que le regard de Boyle et le talent de ses acteurs permettent aisément de la transcender pour la porter à un plus haut niveau.


Car, oui, la dernier ingrédient à la réussite de "Yesterday" est clairement son casting absolument génial. Un peu sorti de nulle part, Himesh Patel est une incroyable révélation, omniprésent dans le long-métrage et aussi à l'aise sur l'ensemble de la palette émotionnelle traversée par son personnage que dans le plaisir contagieux à faire redécouvrir la portée de tubes interplanétaires par son intermédiaire. Avec une Lily James qui crève encore une fois l'écran depuis "Baby Driver", ils forment un couple où, certes, on ne comprend pas trop parfois pourquoi ces deux-là mettent un temps fou à se jeter dans les bras l'un de l'autre mais dont il se dégage une vraie alchimie et une aura romantique somme toute assez irrésistible. Et puis, il y a tous les autres, ces personnages secondaires apportant tous leur contribution au succès de l'entreprise, on citera bien entendu une hilarante Kate McKinnon, son sens comique naturel est ici particulièrement bien exploité (elle fait mouche à chaque fois !), tout comme aussi l'autre révélation en la personne de Joel Fry (vu dans "Game of Thrones") avec son rôle de meilleur pote un brin débile mais ô combien attachant. Ces deux-là et encore beaucoup d'autres seront tous partie prenante de cette vague feel-good que "Yesterday" vous réserve...


Pour conclure, si vous vous situez (comme l'auteur de ces lignes) dans l'alignement parfait de ces astres que sont Richard Curtis, Danny Boyle, la totalité du casting et l'amour inaltérable des Beatles... ben... on se demande ce que vous faites encore là car il faut absolument que vous couriez voir "Yesterday"! Et puis même les autres d'ailleurs, vous serez peut-être plus enclins à remarquer les quelques défauts du long-métrage mais, au cours de ces deux heures passées dans un monde sans Beatles, il y aura forcément un moment où les sourires émanant de "Yesterday" se répercuteront sur votre visage, on en prend le pari ! Tout comme vous resterez pendant le générique de fin à écouter une énième fois une chanson des Beatles. Comme si c'était la première fois...

RedArrow
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le 29 juin 2019

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RedArrow

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