On sait Danny Boyle touche-à-tout, autant qu’infatigable créateur d’images. Le revoici à la tête de Yesterday, une œuvre sacrément fourre-tout, puisqu’elle mélange dystopie musicale et comédie romantique, pour aboutir à un métrage peut-être inégal, mais aussi foisonnant qu’intéressant.


UN MARIAGE ET UN ENTERREMENT


Un aspirant musicien découvre qu'il a investi une réalité parallèle où il est le seul à se souvenir des Beatles. Alors qu'il redonne vie à leurs inventions musicales, il lutte pour sauver son histoire d'amour naissante.


À chacune de ses nouvelles propositions, on plonge dans l’écran avec délice et attention, curieux de retrouver ici et là les thématiques de l’auteur, les expérimentations témoignant de son investissement, les élans typiques de son cinéma. Mais avec Yesterday, Danny Boyle fait alliance avec un scénariste de renom, Richard Curtis, véritable taulier de la comédie britannique et plus particulièrement de la comédie romantique.


Et on sent très prégnante la patte de l’auteur de 4 mariages & 1 enterrement ou Coup de foudre à Notting Hill, dont les réflexes semblent plus d’une fois prendre les rênes du récit. Or, si Curtis est un artisan de premier plan, il donne souvent le sentiment ici de reposer sur ses acquis, tant les mécaniques de rom-com qu’ils déploient sont conventionnelles. Malgré la fantaisie revendiquée du sujet et de l’univers déployé par Boyle, l’intrigue déroule sa romance avec un tempo aussi calculé que prévisible, aussi éprouvé que finalement éprouvant. Pour qui n'est pas un fan hardcore du genre et de la recette du scénariste, le coeur du film paraîtra bien fatigué.


Heureusement, le réalisateur ne se contente pas de narrer une bluette extrêmement classique, mais l’insère dans un projet artistique plus ambitieux et détonnant, pensé comme une missive énamourée aux Beatles. Effacés de la surface de la planète, ils offrent au héros l’occasion de ressusciter leur répertoire et de briller, ainsi qu’au film de développer une très belle idée. Ce ne sont pas les stars qui comptent, ce ne sont pas les interprètes qui marquent, mais bien les œuvres.


Ainsi, Danny Boyle livre un hommage rafraîchissant en cela qu’il dépeint en creux les compositions du groupe comme des temples artistiques méritant une déférence à l’égale des grands poètes, une dévotion totale. L’hommage est fervent, la révérence sincère, et touche par sa simplicité.


DANNY BOY


C’est finalement à l’exact contraire de Jean-Philippe que nous invite Yesterday. On n’essaiera pas ici de transformer un anonyme en la star que le destin voulait faire de lui, mais bien d’apporter la révélation d’une œuvre au plus grand nombre. C’est dans cet interstice bien vu et rassembleur qu’on retrouve avec bonheur l’esprit faussement bourrin du metteur en scène. Mais cela serait bien peu de chose si Danny de Manchester n’était pas toujours capable d’emballer de stupéfiantes séquences.


En témoigne le black-out introductif, qui laissera son personnage principal sonné, aux portes d’un univers débarrassé des Beatles. La fluidité de cette ouverture, son appétit insatiable pour le mouvement et l’impact du moindre photogramme réapparaîtront plus d’une fois, notamment dans la première partie du récit, quand Jack Malik tente de convertir ses proches au génie des Beatles. La caméra et le montage s’allient alors pour concocter des séquences à la dynamique imparable, qui parviennent souvent à offrir au spectateur qui pense avoir soupé des Beatles une véritable bouffée d’admiration nostalgique.


Grâce au soutien indéfectible et cinégénique des formidables Lily James et Himesh Patel, dès que Boyle reprend du poil de la bête et essaie de pirater le récit académique et débordant d’huile de coude de Curtis, le charme opère, et Yesterday retrouve des couleurs. Leur synergie témoigne du directeur d'acteur émérite qu'est progressivement devenu Boyle, toujours capable d'extraire de ses acteurs des performances habitées et animales, désormais à même d’insuffler un charme d'une précision et d'une douceur irrésistibles.


Résumé


Bien trop conventionnel quand il embrasse la comédie romantique, Danny Boyle retrouve des couleurs et épate quand il se livre à une touchante réflexion sur la puissance des oeuvres d'art et la beauté de leur transmission même si Danny Boyle est moyennement inspiré avec cette comédie romantique légèrement fantaisiste, mais cruellement simplette et dans les clous.

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le 12 févr. 2020

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