Yves Saint Laurent, Round 1

Avec deux films en l’honneur du créateur mythique, 2014 sera pour sûre l’année Yves Saint Laurent au cinéma. En attendant le film de Bonnello en Mai prochain (avec une présence à Cannes à la clé ?), on découvre dès ce début d’année la vision de Jalil Lespert qui prend ainsi une petite longueur d’avance, avec une version sponsorisée par la Comédie Française, les rôles titres étant tenus par deux de ses sociétaires, Pierre Niney et Guillaume Gallienne. Logiquement très attendue, l’œuvre de Lespert laisse cependant un arrière-gout d’inachevé. A la place du cinéma haute-couture dont on rêvait, on retrouve un film inabouti.

Toutefois, Yves Saint Laurent comporte son lot de beaux moments de cinéma, Lespert se montrant virtuose lorsqu’il s’agit de filmer les défilés du couturier, sublimés par la présence des robes d’époque créées par celui-ci, sorties exceptionnellement des musées pour l’occasion. La photographie du film est également irréprochable, apportant une esthétique d’une classe folle de la première à la dernière image du film. Mais la mise en scène du jeune réalisateur est loin d’être exempte de défauts.

Mais des fautes typiques de cette forme de cinéma français d’auteur ambitieux sont hélas trop présentes dans ce long-métrage. Entre les plans trop courts, empêchant un réel développement des situations, et les transitions mal maitrisées, qui coupent le rythme, le biopic comporte un certain nombre de longueurs. Les ellipses sont aussi mal positionnées, effaçant tout un pan de l’histoire de Saint-Laurent, laissant un goût d’inachevé, comme si on ne voyait qu’un long résumé du film, phénomène accentué par une musique souvent lassante. De plus, le parti pris ambitieux de Lespert, voulant montrer Saint Laurent aussi bien dans son génie que dans ses excès n’est pas développer jusqu’au bout. Le réalisateur se cantonne de rester à la surface de son sujet, donnant presque l’impression que la censure serait passée par là, les quelques scènes pouvant choquer le spectateur étant coupées en plein milieu, comme si le réalisateur avait peur d’aller au bout de ses idées.

Malgré tous ces défauts, il reste tout de même une raison pour laquelle Yves Saint Laurent restera dans les mémoires : ses acteurs. Car si la mise en scène de Lespert est inégale, le réalisateur s’avère être un excellent directeur d’acteur. Pierre Niney et Guillaume Gallienne sont époustouflant, montrant toute la diversité de leur art, les deux acteurs étant plutôt habitués à des registres plus légers (on peut citer les comédies 20 ans d’écart pour le premier et les Garçons et Guillaume à table pour le second). Niney est stupéfiant. Il n’incarne pas Saint Laurent, il est Saint Laurent. Adoptant sa voix et sa démarche, à laquelle on ajoute une ressemblance physique déjà présente entre l’acteur et le créateur dans sa jeunesse, Pierre Niney livre une prestation impressionnante, montrant bien qu’il est l’un des plus grands espoirs du cinéma français. Quant à Gallienne, qui interprète le compagnon du couturier Pierre Berger, il montre une force de jeu identique, allant même crescendo dans le film.

Les deux acteurs, omniprésents, laissent dans l’ombre le reste du casting, même si on peut saluer la jolie interprétation de Charlotte le Bon, qui fait là ses premiers pas dans un registre purement dramatique, dans le rôle de la première muse du créateur.

Par conséquent, ce Yves Saint Laurent est un film honorable porté par deux acteurs au sommet de leur art, mais qui laisse toutefois derrière lui une légère déception.