Après une première version finalisée par Joss Whedon, cause d’une déception vouant aux gémonies le produit ainsi fini et délivré et après quelques années de batailles de fans et de remontée au créneau de Zack Snyder, le cut de celui-ci débarque, contre toute attente, devant un spectateur privé de cinéma qui pourra être perdu entre sa lucidité sur un film trop engoncé pour vraiment voler et une curiosité de voir ce qu’auraient donné ces suites teasées à l'emporte-pièce grâce aux quelques reshoots qui s'intercalent aux images d’époque.
Après une introduction emplie de gigantisme prenant, grâce à une caméra supersonique, le pouls d'un monde où Superman venait de mourir, le film enchaîne son découpage en sept parties. Celles-ci sont autant de petits épisodes composés de scénettes qui peuvent se picorer en pièces détachées mais dont l'assemblage est toujours cohérent. C'est certainement plus "sombre" dans le ton mais pas forcément dans les enjeux. Disons surtout qu'il y a moins d'humour mais ce n'est pas Watchmen à s'en ouvrir les veines (ce qu'aurait pu être un Justice League 2 ?).
Snyder travaille surtout à hisser le film vers une certaine solennité. La nouvelle musique de Junkie XL aussi. Cela sans parvenir à la symphonie visuelle qu'on se prend à rêver mais anoblissant sans mesure le travail initialement trituré sur le billard par Warner Bros avec l'embauche de Whedon. Sa longueur vise cette solennité mais un montage plus frénétique aurait certainement été plus digeste et de meilleure constitution pour un tel blockbuster envisagé comme "grand public". L'ensemble alimente cependant une certaine sagacité visuelle qu'on ne connaissait pas forcément à Snyder et qui traduit un état d'esprit tragiquement impacté par sa vie personnelle. Le film étant dédié à sa fille.
De belles promesses et de beaux regrets sur les plans initiaux pour cette Justice League. Malgré une histoire faussement fleuve et sur-calibrée à outrance, voir ces figures héroïques si familières reste fascinant pour qui préfèrera Batman et ses compères aux autres écuries. Le plaisir de les voir fracasser du paradémon est réel. D'autant que Snyder sait filmer le mouvement (à la différence des frères Russo). Pour preuve une flèche d'amazone harnachée à une Mother-box qui la propulse vers une autre guerrière lancée au galop. Snyder a cette limpidité, cette articulation qui rend le visionnage de l'action de la Snyder cut très fluide malgré la longueur générale.
Il ne s'agit pas de revenir sur le fond de l'affaire du dessein apocalyptique qui se joue mais, étant connu de nous, il n'effraie qu'à peine et l'on reste assez détaché des tourments des uns et des autres. Il ne faut cependant pas s'étonner de ne pas être surpris comme au premier jour, ce n'était pas le but de la sortie de ce cut. Au demeurant Cyborg et Flash profitent d'un approfondissement salvateur qui les hissent à juste titre au rang des personnages les plus essentiels dans ce sauvetage planétaire.
Aussi dans une scène de l'épilogue, sortie tout droit des reshoots, qui a pour but de nous résumer l'histoire qu'on n'aura pas vu dans les suites de Justice League, se dégage même l'impression poétique d'un horizon en arlésienne avec des personnages émotionnellement remaniés et des enjeux et morts revélées auxquels on n'aurait certainement pas dit non derrière notre pot de popcorns de foule divertie. On se questionne alors sur les raisons qui ont poussé les repreneurs du film de 2017 à enterrer une telle possibilité... Cette scène en profite pour démontrer à nouveau que l'intérêt scénaristique de Superman n'est pas forcément celui qui est le plus usité. Il est meilleur quand il fait peur. Une belle promesse qui ne se présentera peut-être jamais et qu'on ne souhaitera pas forcément voir se réaliser en l'état car la mèche est maintenant déjà bien vendue.
Il faut garder en tête que le véritable intérêt du film réside davantage dans sa production en forme de précédent pour l'industrie super-héroïque. Une vision artistique, celle de Snyder, trouve ainsi justice dans cette arène prompte à mettre des barres de fer dans les roues des visions d'ensemble plus attrayantes mais moins optimales d'un point de vue commercial. A rebours, les indices sur ce qu’aurait été la suite montre aussi que DC et Marvel avaient à peu près les mêmes idées narratives dans les tuyaux. Marvel a pu les concrétiser non sans échec dans IW et Endgame. DC a suivi d'autres chemins, moins par volonté que par la force des choses.
Snyder semble pour sa part sorti pour de bon de cette machine à sous là. Maintenant il n'y a plus qu’à voir comment se débrouilllent ses zombies Made in Vegas tout en espérant malgré tout que le casting de cette Justice League reviendra de plus belle parce qu'ils ont sacrément la gueule de l'emploi.